Avant le pagne de Tarzan, Johnny Weissmuller a été le seigneur des bassins en slip de bain

A un an des Jeux olympiques de Paris 2024, 20 Minutes et Retronews, le site de presse de la BNF, vous replongent 100 ans en arrière avec les Jeux de 1924. Aujourd’hui, on vous raconte la vie mouvementée de Johnny Weissmuller, en tant que nageur et acteur, il a tutoyé les sommets avant une chute vertigineuse.

Il a conquis le monde en slip de bain et finit sa vie nu. Des piscines olympiques aux studios de cinéma de Hollywood et jusqu’aux crépuscules de ses jours, il est peu d’écrire que la vie de Johnny Weissmuller a été romanesque. Tour à tour quintuple champion olympique de natation aux Jeux de Paris 1924 et d’Amsterdam 1928 puis incarnation des premières adaptations cinématographiques de Tarzan, le roi de la jungle et seigneur des bassins a fini sa vie, seul, désargenté, alcoolique et fou dans un hôpital du Mexique.

Un destin comme le XXe siècle savait en fabriquer pour celui qui naquît en 1904 en Roumanie alors incluse dans l’empire Autriche-Hongrie. Une naissance dans un pays appelé à être disloqué en sept états à l’issue de la Première Guerre mondiale et qui devait laisser le jeune János Péter apatride alors que sa famille avait déjà émigré aux Etats-Unis.

American Dream

Et c’est sur les berges du lac Michigan que l’American Dream de Johnny Weissmuller débute. Pourtant, tout semblait assez mal embarqué : « On affirme que l’athlétique interprète de « Tarzan » fut dans jeunesse – le croirait-on ? – un garçon maigre et maladif », pose en introduction de son portrait publié dans le magazine Séduction en 1934 le journaliste Jacques Faure. En avançant cela, le journaliste ne se trompe pas. A l’âge de 9 ans, Johnny Weissmuller contracte la poliomyélite, une infection virale pouvant provoquer une paralysie des membres inférieurs. Maladie que le futur quintuple champion olympique soigna à coups de séances de nage dans le lac Michigan, selon les bons conseils du médecin de famille. C’est donc dans ces eaux froides du grand lac du nord de l’Amérique que Johnny Weissmuller a forgé, malgré lui, son destin. Un épisode qu’il n’aime visiblement pas raconter à la presse :

« Nagez-vous depuis longtemps ?, questionne un journaliste de L’Œuvre, hebdomadaire sportif de la première moitié du XXe siècle.

– Je prends part aux compétitions depuis trois ans, mais je ne tiens la grande forme que depuis deux années », élude Johnny Weissmuller.

Lors de cette conversation, rapportée dans un article de présentation de la délégation américaine de natation aux Jeux olympiques de Paris de 1924, Johnny Weissmuller cache, en plus de sa maladie infantile, un autre secret. Car, apatride depuis la fin de l’empire austro-hongrois – et donc sans drapeau sous lequel s’engager – c’est sous l’identité de son frère que le champion américain concourt aux JO, comme l’explique Craig Reed dans Tarzan my Father, biographie de Weissmuller.

Une situation administrative qui n’empêche pas Johnny Weissmuller de rafler trois médailles d’or à Paris sur 100 et 400 mètres nage libre et sur le relais 4 x 200 m. Performance qu’il réédita avec deux médailles d’or aux Jeux d’Amsterdam en 1928 non sans avoir été entre-temps naturalisé américain.

Blonde chevelure et monosyllabes

Fort de ses cinq médailles en or et de vingt-huit records du monde, Johnny Weissmuller accède à la célébrité et signe en 1929 un contrat de mannequinat pour une marque de sous-vêtement. Le champion met fin ainsi à sa carrière sportive et peut commencer à jouer de son sens du spectacle, qu’avait déjà repéré le journaliste de L’Œuvre : « Weissmuller a enlevé sa casquette et l’a, sans façon, flanquée sous son bras ; d’une poche intérieure de son veston, il a tiré un superbe peigne américain, et avec une ardeur qui traduit d’ailleurs une mimique expressive, il rudoie sa blonde chevelure pour y mettre un peu d’ordre. »

Une blonde chevelure qui hypnotisa les spectateurs et spectatrices des salles obscures au fil de ses douze interprétations de Tarzan, personnage créé par le romancier anglais Edgar Rice Burroughs en 1912, dans des films diffusés entre 1932 et 1948. Une carrière cinématographique qu’il embrassa dans un élan de sincérité, comme le rapporte le magazine français Séduction, dans un portrait consacré à « L’Homme de la nature » :

« – Vous sentez-vous capable de jouer un rôle important au cinéma ?, lui demanda le metteur en scène Van Dyke.

– Certainement non ! répondit Weissmuller. Cette franchise plut au cinéaste.

– Rassurez-vous, ajouta-t-il alors en souriant, vous n’aurez pas besoin de dire de longues phrases… de simples monosyllabes et des grognements d’homme des bois… Il s’agit du rôle de Tarzan. »

De films en contrats publicitaires, Johnny Weissmuller accumule une petite fortune qu’il dilapide en amours et en mariages, puis en autant de divorces et de pensions que d’or olympique remporté. Si bien qu’au tournant des années 1950, la gloire américaine est ruinée et, l’embonpoint aidant, il a perdu de sa superbe précipitant le terme de sa carrière cinématographique survenue en 1955, malgré deux brèves apparitions dans des films médiocres des années 1970.

La vie romanesque de Johnny Weissmuller prend alors son dernier tournant pour prendre la tonalité d’un drame. Ainsi désargentée, seule et rongée par l’alcool, l’ex-étoile de Hollywood s’installe à Acapulco, station balnéaire de la côte pacifique mexicaine. Il y finit interné dans un asile psychiatrique où il meurt en 1984 « dans la gêne », relate l’historien français Jean Tulard, dans son Dictionnaire du cinéma : « Il devint fou et fit, dit-on, retentir l’asile où il était interné du fameux cri de Tarzan. Il mourut dans la gêne, après avoir été représentant d’un fabricant de piscines. »

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