Accusations de viols, soupçons d’extorsion de fonds… Le point sur « l’affaire Cauet »

« J’ai bien envie de faire un thread sur comment se passe une plainte pour agression sexuelle. Parce que franchement, on s’étonne après que les femmes se taisent et bien faut comprendre pourquoi. » C’est par ces mots que Julie fait état le 8 septembre 2023 et pour la première fois sur X d’une plainte pour agression sexuelle. Aucun nom n’est prononcé mais nous sommes à l’aube de l’affaire Sébastien Cauet. Julie va devenir l’accusatrice principale de l’animateur phare de NRJ (écarté de la radio le 22 novembre dernier), dénonçant plusieurs viols, dont un lorsqu’elle était mineure.

Julie choisit dans un premier temps de répondre à l’appel à témoignages lancé par le compte controversé d’infofiction Zoé Sagan. Le 13 octobre, une capture d’écran présentée comme un échange de messages entre Sébastien Cauet et une jeune femme, accompagnée d’un message accusant l’animateur de comportements inappropriés avec des mineures, est publiée sur le compte X de Zoé Sagan. Un mois plus tard, Julie poste la capture d’écran sur son propre compte et dévoile ainsi son identité. La jeune femme de 25 ans accuse sur « X » Cauet d’être un « prédateur » : « je n’oublierais jamais ces messages, n’oublie pas que ce n’est pas les seuls que tu m’as envoyés et que même ton équipe en est témoin, n’oublie pas certaines choses. Je n’ai plus peur de toi, et c’est peut-être cela le plus dangereux ! » C’est le début de « l’affaire Cauet ».

Lâchée par sa meilleure amie

20 Minutes échange rapidement et à maintes reprises avec Julie. Une rencontre s’organise à Paris le vendredi 24 novembre. Elle durera plus de trois heures. La jeune femme est ce jour là accompagnée d’un ami « de longue date », venu pour la soutenir. Les deux jeunes habitent à Mâcon (Saône-et-Loire), mais Julie est montée dans un train en direction de la capitale précipitamment la veille au soir pour répondre aux questions de chroniqueurs de l’émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste. « Il [Cauet] m’a tout pris, je n’ai plus rien à perdre alors j’ai dit ok à l’invitation du rédacteur en chef de TPMP », explique-t-elle à 20 Minutes.

Elle explique également que sa meilleure amie l’a « lâchée ». Cette dernière ne la croit pas « parce que je ne lui en avais jamais parlé », poursuit Julie, visiblement émue. Dans ce restaurant du 12e arrondissement parisien, Julie raconte, les larmes aux yeux, à quel point les viols dont elle accuse Cauet lui ont « brisé la vie ». Assis à ses côtés, son ami d’enfance acquiesce. Elle se souvient aussi avoir menti à sa grand-mère mourante lui assurant que cette fois-là, en Suisse, il ne s’était rien passé. « Je suis sûre qu’elle savait au fond d’elle », murmure-t-elle entre deux sanglots.

Photo de Julie et Sébastien Cauet, envoyée par Julie à « 20 Minutes ». – 20 Minutes

Entre larmes et « montages » photos

Ces faits, ce sont ceux décrits dans une plainte que nous avons pu consulter et qui a été enregistrée le 18 novembre par la gendarmerie de Saint-Laurent-sur-Saône (Ain) des « chefs de viols à l’encontre de Sébastien Cauet qui auraient été commis entre 2014, alors que la victime était mineure, et 2022, à Paris et en Suisse ». Cinq jours plus tard, une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Bourg-en-Bresse « du chef de viols sur mineure de plus de 15 ans et de viols ». Mardi 28 novembre, le parquet de Paris confirme à 20 Minutes que deux autres femmes ont déposé plainte contre Sébastien Cauet pour des faits « de viol et d’agression sexuelle ». « L’enquête a été confiée à la brigade de protection des mineurs de la DRPJ », précise-t-il.

Sur X, Sébastien Cauet, qui se dit « profondément choqué », a lui rapidement démenti toutes les accusations, des « allégations totalement fausses, montées de toutes pièces et diffamatoires ». C’est d’ailleurs l’animateur qui est à l’origine de la première action en justice. Une plainte a été déposée pour « harcèlement moral commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne », confirmée le 16 novembre par le parquet de Nanterre qui a ouvert une enquête. Une nouvelle plainte « a été déposée à Boulogne jeudi dernier [23 novembre] » pour « tentative d’extorsion de fonds en bande organisée, dénonciation calomnieuse, faux et usages contre personnes non dénommées ». « Un complément de plainte a été communiqué au Parquet par le cabinet Lussan », a précisé dans la foulée à 20 Minutes l’un des avocats de Sébastien Cauet.

« Très concrètement il s’agit de preuves qui démontrent qu’il y a un fort doute d’une volonté de faire chanter Sébastien Cauet moyennant une somme d’argent très importante. Tous les éléments ont été remis à la justice », assure l’avocat de l’intéressé, Simon Clemenceau, à 20 Minutes. « Il s’agit de plusieurs personnes », ajoute le conseil, selon qui les faits dénoncés sont « faux » et certains échanges, notamment les captures d’écran partagées sur les réseaux sociaux par Zoé Sagan et Julie, sont des « montages ».

Messages échangés entre Sébastien Cauet et Julie publié sur les réseaux sociaux, un « montage » selon l'avocat de Sébastien Cauet
Messages échangés entre Sébastien Cauet et Julie publié sur les réseaux sociaux, un « montage » selon l’avocat de Sébastien Cauet – Capture d’écran

Julie, elle, assure à 20 Minutes qu’elle ne « fait pas ça pour l’argent ». Et même si en cas d’une condamnation elle touche des dommages et intérêts, « je donnerai tout à des associations de victimes pour les aider à porter plainte, dans les démarches judiciaires ». « C’est un poids en moins de parler », fait-elle remarquer, le 24 novembre à 20 Minutes, même si prendre publiquement la parole lui vaut un torrent d’insultes sur les réseaux sociaux. « J’irai jusqu’au bout », promet encore celle qui postera en sortant de notre rendez-vous un nouveau tweet demandant à d’autres « victimes » éventuelles de se joindre à elle : « Je n’ai plus rien à perdre vous m’avez tout pris. »

« Fais-moi une fellation »

En 2014, Julie, qui est née 1998, a entre 15 et 16 ans. Elle est fan de radio et veut en faire son métier. Elle suit de nombreuses émissions, dont celle de Cauet diffusée le matin sur NRJ. Elle raconte avoir gagné à l’époque un concours pour passer la journée avec l’équipe de C’Cauet à Disneyland Paris. Un rêve qui se réalise. « J’étais ado, fan de radio, j’écoutais beaucoup son émission, je voulais faire ça dans la vie », se souvient celle qui est aujourd’hui secrétaire médicale.

Selon Julie, Sébastien Cauet se serait vite pris d’affection pour celle qui « lui fait penser à lui quand il avait 15 ans ». A 20 Minutes, la jeune femme raconte que l’animateur lui promet de l’aider, de la guider dans ce métier. Après la journée au parc d’attractions, l’équipe emmène les gagnants du concours dans les locaux de NRJ. Cauet et Julie auraient alors échangé leur numéro et commencé une relation épistolaire le 26 octobre 2014, selon les documents montrés à 20 Minutes par Julie. « On se contacte beaucoup, plusieurs fois par jour. A cette période, il n’y a pas encore de message à caractère sexuel », se rappelle Julie. Puis, Cauet l’aurait invitée à venir le voir mixer en Suisse, à Genève.

« 20 Minutes » a retrouvé une affiche annonçant effectivement un concert de Cauet au Moa Club de Genève le 26 avril 2014.
« 20 Minutes » a retrouvé une affiche annonçant effectivement un concert de Cauet au Moa Club de Genève le 26 avril 2014. – Facebook

L’adolescente de 15 ans convainc sa grande sœur de deux ans son aînée, Ophélie, et son beau-frère de l’accompagner pour y assister. Tous les trois auraient retrouvé Cauet « en bas de son hôtel pour boire un coup, puis il nous dit qu’il doit aller se préparer », poursuit Julie. L’animateur aurait proposé à la sœur et au beau-frère de patienter en allant faire un tour au casino, et invité l’adolescente passionnée de radio à monter dans sa chambre, lui promettant d’écouter sa maquette, selon les dires de Julie et sa sœur. « On a senti qu’on n’était pas les bienvenus, il y avait quelque chose de bizarre », assure Ophélie à 20 Minutes.

Une fois dans la suite de l’animateur, ce dernier lui aurait proposé de s’asseoir dans le canapé. Julie se souvient d’avoir eu juste le temps de chercher son téléphone pour faire écouter sa maquette, d’à peine détourner le regard pour récupérer le matériel, que « Cauet avait baissé son pantalon et sorti son sexe ». « Il me demande de lui faire une fellation », raconte-t-elle. Julie s’exécute et racontera aux enquêteurs que l’acte a duré « vraiment pas longtemps, une, maximum deux minutes ». « Il disait “tu fais ça bien pour une première fois” », détaillera la jeune femme lorsqu’elle est entendue par les gendarmes, selon le procès-verbal consulté par 20 Minutes.

Pendant ce temps, sa sœur, inquiète, l’appelle sans cesse. « Je n’avais pas confiance », se souvient cette dernière. A son retour, « Julie avait le visage fermé, alors qu’avant elle était toute excitée de partager sa maquette à une star de la radio comme Cauet », poursuit Ophélie. Pourtant, jusqu’à cet automne 2023, Julie maintiendra qu’il ne lui est rien arrivé : « Je n’ai rien dit, j’étais choquée. » Les deux sœurs, elles, s’éloigneront, notamment à cause de cette histoire, se rappelle Ophélie qui confesse que depuis que Julie parle publiquement, « ça va mieux, je la soutiens. On a enfin compris pourquoi on n’arrivait plus à communiquer ».

L’épisode du parking

Alors pourquoi Julie est-elle restée en contact avec l’animateur ? C’est, selon elle, parce qu’il lui faisait miroiter une belle carrière dans la radio, lui promettant encore de la soutenir en échange de « coopérer ». De plus, encore jeune, elle soutient qu’elle ne se rendait pas compte de la gravité des faits. « Je ne voyais pas le mal, il n’y avait pour moi rien de dramatique ». Mais Julie se serait une nouvelle fois retrouvée seule avec Sébastien Cauet dans un lieu clos. Lors d’un séjour à Paris, en 2021, la jeune femme dit être montée dans la voiture de l’animateur vedette et s’être « retrouvée dans son parking sous-terrain ». « Il a sorti son sexe et m’a demandé une fellation. J’ai fait ce qu’il m’a demandé. Puis il m’a fait monter dans son appartement. Il m’a proposé à boire, mais j’étais complètement choquée, je n’ai pas dit un mot, il m’a commandé un taxi pour que je rentre à mon hôtel », souffle-t-elle.

Mathilde, une autre victime présumée, raconte à 20 Minutes exactement la même scène : « C’était en 1997 ou 1998, j’avais à peine 18 ans et je travaillais pendant les vacances au Disney store des Champs-Elysées à Paris [fermé depuis], et j’aimais beaucoup assister à l’émission de Skyrock du matin ». A cette époque, Sébastien Cauet a environ 25 et 26 ans. Il est au début de son succès et anime en effet la matinale de la radio phare du moment. A force de se rendre dans les locaux pour assister à l’émission, Mathilde « connaît bien l’équipe ». Elle raconte : « Un jour Cauet me propose de me déposer à mon boulot. On monte dans sa voiture dans le sous-sol de Skyrock, c’était une sorte de Berline avec intérieur cuir. Il sort son sexe et me demande si je peux lui faire une pipe. J’ai refusé, j’avais rarement vu un sexe de si près », précise-t-elle. « La crudité de la chose, c’était hallucinant, faut être un peu dérangé », avance-t-elle. Si elle n’a pas porté plainte à l’époque, elle décide aujourd’hui de témoigner sur X et dans les médias afin que « ces gens-là soient punis ». Elle rapporte à 20 Minutes avoir par ailleurs greffé son témoignage par mail au parquet de Bourg-en-Bresse, qui a recueilli la plainte de Julie.

Des messages obscènes

A la suite de la publication sur X des captures d’écran de Julie, une autre internaute assure avoir reçu exactement les mêmes messages. « Je lui faisais confiance. Et puis c’est arrivé d’un coup dans nos échanges WhatsApp. Il a tenu des propos exactement comme ceux qu’il a tenus à@julieonair. Mots pour mots. Je ne répondais pas. J’étais choquée et blessée. Il est revenu à la charge quelque temps plus tard #Cauet », a-t-elle partagé sur les réseaux sociaux. Contactée par 20 Minutes, la jeune femme n’a pas voulu s’étendre davantage, par « peur » pour sa carrière. Julie aussi a décidé de « couper les ponts » cet été 2023, à 24 ans, après un dernier message dans lequel Sébastien Cauet l’invitait, selon la capture, à venir le voir mixer dans un festival en Isère. « Je n’ai plus jamais répondu, raconte-t-elle. Ça m’a complètement détruite, ça m’a coupé dans mon rêve de faire de la radio, j’avais même fait un crédit pour ça. »

Toujours sous antidépresseur, Julie assure à 20 Minutes avoir parcouru un long chemin thérapeutique, jalonné de plusieurs hospitalisations au centre de Mâcon et de plusieurs tentatives de suicide. 20 Minutes a eu accès aux dates des arrêts maladie validés par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Nous en avons compté quatre entre septembre et octobre dernier. Quant à Julie, elle confie avoir encore du mal à gérer ses relations personnelles : « on ne peut pas me toucher, je ne supporte pas qu’on sonne chez moi sans prévenir. » Elle est aujourd’hui toujours accompagnée de psychiatre et psychologues qui lui ont permis de se sentir « moins coupable » et finalement de prendre la parole publiquement.

« Que chacun se fasse son opinion sur les faits »

Dans son entourage, si certains anciens collaborateurs de Cauet affirment n’avoir « rien à dire sur le sujet » et être « surpris de ces accusations », d’autres, au contraire, ne sont pas étonnés. Une ancienne stagiaire de sa boîte de production « Be aware » se souvient d’une ambiance particulièrement testostéronée où le respect de la femme ne faisait pas partie des principales préoccupations. Mais surtout, « Cauet et toute son équipe évoluent dans un monde hypersexualisé, dès qu’on l’intègre on est stigmatisée en tant que femme », raconte Emilie (le prénom a été modifié pour conserver l’anonymat) à 20 Minutes.

Ces accusations « ne me surprennent pas du tout, il a le melon et aucune notion du respect des femmes et quand on est une salariée de son entreprise, il faut vraiment avoir du caractère pour ne pas se laisser faire », abonde-t-elle évoquant « une ambiance d’obsédés sexuels avec en permanence des allusions hypersexuelles qui met mal à l’aise ». « C’est clairement des porcs », lâche encore Emilie. « Concernant Cauet, c’était plus des remarques sur le physique des filles de la société ou sur leurs fringues (sexy ou pas). Je n’ai pas assisté à autre chose », ajoute une autre ancienne stagiaire contactée par 20 Minutes et qui souhaite aussi rester anonyme.

Depuis lundi, Sébastien Cauet est visé par trois plaintes pour viols et agressions sexuelles. La figure de NRJ « conteste toutes les accusations », ont indiqué mercredi dans un communiqué ses avocats. « En l’état des informations dont nous disposons et de nos échanges avec le parquet, la situation semble floue et manque de la plus élémentaire précision. Nous en appelons à la retenue et à la rigueur de chacun plutôt qu’au relais d’informations partielles et non étayées », ont encore fait savoir ses conseils.

De son côté, Julie dit aujourd’hui s’être séparée de son « trop médiatique » avocat Juan Branco et assure être plus déterminée que jamais : « Je suis une machine de guerre, rien de m’arrêtera, j’irai au front coûte que coûte. » Elle souhaite désormais laisser faire la justice et insiste pour que « chacun se fasse son opinion » sur les faits. Les avocats de Cauet espèrent eux que le parquet ouvrira une enquête pour les faits d’extorsion et de dénonciation calomnieuse.


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