Sur les réseaux sociaux, gare aux coachs en parentalité qui vendent une « méthode magique »

Ils sont pleins de bonnes intentions et livrent de nombreux conseils sur les réseaux sociaux destinés aux parents, comme eux. Mais peut-on faire confiance à tous les coachs en parentalité qui se présentent comme tels, sans forcément avoir de diplôme, avoir fait d’études ou même de formation en la matière ? Il est de plus en plus difficile de faire le tri entre des astuces de parentalité qui ne vont pas fonctionner pour tous et une réelle aide pour les parents. D’autant qu’il y a toujours le risque de se faire arnaquer.

Depuis quelques années, ces profils explosent sur Internet. Aujourd’hui, « n’importe qui peut se déclarer coach en parentalité, il y a une pléthore de formations qui ne sont pas reconnues par l’Etat et qui vont de quelques mois à quelques jours, ce n’est pas un métier », explique de manière catégorique Elodie Emo, infirmière puéricultrice et cheffe nationale de projet des Cercles de parents. Le problème, selon elle, est que l’Etat ne légifère pas sur le remboursement de consultation pour les trois premières années de l’enfant. Pourtant, c’est le cas pour les sages-femmes. Or, les coachs en parentalité ne font face à « aucune réglementation » et pour Elodie Emo, « il y a un gros souci éthique à faire facturer des sessions sur le sommeil 300 euros ».

Certains coachs autoproclamés, ayant suivi des formations de quelques semaines, quelques mois, proposent en effet des sessions payantes sur leur site. C’est le cas de Fée Dodo, dont la fondatrice Caroline Ferriol, qui s’est formée aux Etats-Unis, propose des sessions à 600 euros les trois semaines. Difficile de savoir s’il s’agit d’arnaques ou d’ateliers vraiment utiles, car « il existe aussi des formations sérieuses », assure Elodie Emo.

Des conseils pour faire du placement de produits

Sans se dire coachs, certains partagent leurs conseils de tous les jours dans des vidéos qui cumulent parfois plus de 300.000 vues. Samuel Clot, père au foyer, tient un compte TikTok dans lequel il donne des astuces sur la parentalité positive, avec son fils Gaspard. « Non je ne suis pas coach en parentalité, répond-il à 20 Minutes, je partage mon expérience de père au foyer sur les réseaux sociaux et explique comment je pratique, avec mon épouse, une parentalité différente au quotidien. »

Samuel Clot explique par exemple à ses abonnés que son fils « mange quand il a faim » dans une de ses vidéos. Avec un autre papa star d’Instagram, il aurait proposé une formation à 1.161 euros qui s’intitule « Le club des parents ». « Ce programme n’a jamais vu le jour et le site Internet en question n’est qu’une ébauche d’un projet annulé », assure-t-il toutefois, ne souhaitant pas développer davantage.

Le compte TikTok de Samuel Clot. – Capture d’écran de @Samuel_clt

Sa femme, Léa ou « Je ne suis pas jolie » sur les réseaux sociaux, est une influenceuse qui se présente comme « créatrice de contenu et cheffe d’entreprises » sur son site. Les deux époux font d’Internet un réel business et la parentalité devient une opportunité pour vendre certaines marques au détour de conseils sur les relations parents-enfants, comme dans ce post pour les jus de fruits Innocents. Ou encore celui-ci sur les « outils qui facilitent la vie » à Samuel Clot.

Des risques pour les relations parents/enfants

Hormis le risque de se faire arnaquer par une formation chère et inutile, il y a un vrai danger pour les parents et les enfants. « Il y a une tendance à partager les conseils praticopratiques qui ne marchent que sur nos propres enfants et il faut rester méfiant sur certains propos ou théories vulgarisées à l’extrême », prévient ainsi Aline Nativel, psychologue clinicienne et psychothérapeute. Et derrière, il existe une possibilité de « maintenir les difficultés parentales, voire de les exacerber », avertit-elle. Avec des conseils inadaptés, il y a également le « risque anxiogène », ajoute Elodie Emo, d’autant que les réseaux sociaux mettent en scène un certain idéal, compliqué à mettre en œuvre dans le réel. « Cela peut mener à une culpabilité chez les parents », poursuit encore l’infirmière puéricultrice.

« Influencer sans avoir les connaissances fines peut poser des problèmes notamment en matière de diagnostic, les conseils généralistes peuvent aider, mais quand il y a un souci plus profond, plus développé, ça peut être problématique », met alors en garde Aline Nativel. Certains parents viennent la voir après avoir suivi des séances avec des coachs en parentalité car ce n’est pas toujours adapté. C’est pour cela que Noémie Lépine, cheffe de son entreprise « Au cœur des parents », qui propose par exemple des « accompagnements » (entre 234 euros et 450 euros), commence toujours par un appel aux parents pour voir si elle sera en capacité de les aider. Elle livre également des conseils sur son compte TikTok dans de courtes vidéos thématiques telles que « cinq conseils pour les vacances » ou « Exprimer ou intérioriser ».

Elle s’est formée dans une école d’éducation positive en trois mois pour obtenir sa « certification » après avoir fait une dépression quand sa fille avait huit mois. Elle s’est sentie « abandonnée » avant de décider de se faire aider. En trouvant cette formation sur Internet, elle s’est lancée dans ce nouveau métier. « J’accompagne aux changements, je leur transmets des outils au quotidien, on travaille sur leurs difficultés pour qu’ils fassent autrement, je ne suis pas seulement à l’écoute », développe-t-elle. Mais pour Laure Hamel, coach certifiée (diplôme reconnu par l’Etat) et consultante en parentalité à l’Association pour la promotion et l’accompagnement de la parentalité en Normandie (APAPN), la « déontologie du coach est justement de ne pas donner son avis, il faut l’aider bien sûr mais pas lui dire comment il doit faire ». « Le plus compliqué, c’est la posture d’accompagnement, la technique d’écoute active et être dans le conseil n’est pas forcément aidant », poursuit-elle.

Des parents sous pression

Ces coachs ou simples livreurs de conseils sur Internet répondent à une demande croissante des parents, qui réclament de plus en plus une aide extérieure. Car être parent n’est pas inné. « Il existe de nos jours de nouvelles injonctions sur les parents, sur les mères en particulier, qui ont des mandats impossibles, sans avoir beaucoup de ressources à leur disposition », souligne ainsi Elodie Emo. Parmi ces injonctions qui n’existaient pas avant, il y a l’interdiction des violences éducatives ordinaires, la politique des 1.000 premiers jours pendant lesquels les parents sont responsables du développement éducatif et social de leurs enfants. A cela vient s’ajouter l’éducation positive, qui, là non plus, n’est pas toujours instinctive. « Cela répond à un véritable besoin car il y a une pression plus forte, ça ne fait que cinq ans que je fais de la guidance parentale », affirme à son tour Aline Nativel.

C’est là qu’interviennent ces fameux coachs en parentalité. Ils viennent répondre à un réel besoin là où il n’y a pas, ou trop peu, d’organismes vers lesquels se tourner. « Il y a une vraie sensation de solitude, un besoin de partager et de se sentir soutenu avec de réels risques d’anxiété, voire de dépression », alerte Elodie Emo. En effet, au moins la moitié des femmes sont touchées par le baby blues et 10 % à 20 % par le post-partum. Dans ce contexte, de nombreux parents cherchent des conseils sur les réseaux sociaux, plutôt que de se déplacer dans un centre de protection maternelle et infantile (PMI) où ils pourraient pourtant être épaulés par de vrais professionnels.

Finalement, « les parents sont ceux qui connaissent le mieux leur enfant, on ne peut pas leur donner une méthode magique, il faut individualiser les choses », insiste Elodie Emo. Et « même si tout cela part d’un bon sentiment de la part de mères ou pères qui veulent soutenir la parentalité, il y a forcément des risques dans le développement d’une nouvelle profession sans réelle compétence », ajoute-t-elle. Car l’enfer est pavé de bonnes intentions.


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