Refuge des sternes, l’île aux Moutons est devenue leur cimetière

Le même spectacle de désolation à un an d’intervalle. En Bretagne, l’épidémie de grippe aviaire continue de faire des ravages chez les oiseaux marins. L’été dernier, c’est l’île Rouzic dans l’archipel des Sept-Îles (Côtes-d’Armor) qui a été durement frappée par l’épizootie. Abritant l’unique colonie française de fous de Bassan, le gros caillou s’est transformé jusqu’en octobre en cimetière géant avec près de 20.000 oiseaux adultes qui ont péri, soit plus de la moitié de la population de l’île. « On peut parler d’une année sombre comme on en a déjà connu lors des marées noires suite aux naufrages du Torrey Canyon en 1967 ou de l’Amoco Cadiz en 1978 », nous confiait au printemps Pascal Provost, conservateur de la réserve naturelle nationale des Sept-Îles.

Cet été, c’est au tour de l’île aux Moutons, située entre le continent et l’archipel des Glénan (Finistère), de subir les foudres du virus. La situation semblait pourtant normale au printemps avec 2.500 couples de sternes caugek, 140 couples de sternes pierregarin et 30 couples de sternes de Dougall dénombrés sur l’île bretonne, l’une des plus importantes colonies de sternes d’Europe. Mais fin mai, des premiers signaux d’alerte sont apparus avec la découverte de six cadavres d’oiseaux adultes. « On se doutait que ce n’était pas normal et cela s’est malheureusement vérifié », indique Bernard Cadiou, biologiste et ornithologue à Bretagne Vivante.

Près de 2.000 cadavres de poussins ramassés

Quelques jours plus tard, à l’éclosion des œufs, le scénario macabre s’est en effet répété. « Hormis quelques dizaines de poussins qui ont réussi à s’envoler, toute la progéniture a été décimée », constate, amer, le spécialiste des oiseaux marins. Les chiffres font froid dans le dos avec près de 2.000 cadavres de poussins et une soixantaine d’adultes qui ont déjà été ramassés sur l’île par les salariés de Bretagne Vivante et les agents de l’Office français de la biodiversité.

Preuve de la gravité de la situation, un arrêté sanitaire préfectoral interdit tout l’accès à l’île. Les gardiens saisonniers du rocher ont ainsi été rapatriés sur le continent et seul un débarquement hebdomadaire n’est désormais autorisé, en combinaison sanitaire de surcroît, pour suivre l’évolution de l’épizootie et ramasser les cadavres restants. Une mission bien ingrate pour Bernard Cadiou qui ne peut que déplorer « l’anéantissement de décennies d’efforts » pour préserver ce site propice à la reproduction des sternes, espèces protégées et menacées. « On se sent en plus complètement démuni car on ne peut rien faire d’autre, seulement constater cette hécatombe », déplore-t-il.

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