Les Bleues ont-elles signé un premier tour de championnes du monde en puissance ?

Les sélections canadienne, brésilienne et italienne ont toutes un point commun : elles ont été sorties à la surprise générale dès le premier tour de la Coupe du monde féminine. C’est pourquoi Hervé Renard a pris soin de saluer ce mercredi la phase de poule « accomplie » de son équipe, qualifiée en tant que première du groupe F, après son spectaculaire succès final (6-3) contre le Panama. L’équipe de France féminine ne découvrira que jeudi l’identité de son adversaire en huitièmes de finale, et il devrait s’agir de l’Allemagne, à moins d’une grosse contre-performance de la Colombie (actuel leader du groupe H) face au Maroc. Mais une question se pose forcément, quatre mois après la nomination d’Hervé Renard à la place de Corinne Diacre : les Bleues, qui n’ont jamais disputé la moindre finale d’un tournoi majeur, ont-elles signé un premier tour de championnes du monde en puissance ?

Hervé Renard a transmis de la confiance à tout le groupe

Le pénible et inattendu match nul (0-0) inaugural contre la Jamaïque, le 23 juillet, avait a priori tout pour crisper le groupe tricolore. C’est simple, les Bleues ont vécu ce jour-là le scénario inverse de l’emballante entame du Mondial 2019 en France contre la Corée du Sud (4-0). Avec calme, Hervé Renard a dans la foulée fait référence à sa CAN 2015, remportée avec la Côte d’Ivoire malgré deux matchs nuls pour démarrer la compétition. « Il ne faut surtout pas tirer des enseignements trop hâtifs, indiquait alors le nouveau sélectionneur français. Des équipes qui démarrent en fanfare ne sont pas toujours au bout. Il faut garder le cap. J’ai confiance en elles, je vais vous le répéter. On va avancer tous ensemble dans la bonne direction. » C’est un exemple parmi tant d’autres de la confiance que ne cesse de diffuser Hervé Renard à tout son groupe, qui a été épatant pour son principal test contre le Brésil (2-1) lors du deuxième match de groupe.

Même si elle a parfois montré des signes de fébrilité durant ce premier tour, la gardienne Pauline Peyraud-Magnin assurait ainsi après le couac contre la Jamaïque : « On a bien compris que cette Coupe du monde était différente de celle de 2019. Tout le monde a vraiment pour objectif d’aller chercher le Graal. Ça va être difficile mais ce n’est pas insurmontable ». Se projeter aussi loin au soir d’une telle contre-performance était à la fois courageux et loin des habitudes de l’ère Corinne Diacre.

Aucune « peur » de l’épouvantail allemand, vraiment ?

Euro 2005, Euro 2009, Coupe du monde 2011, Coupe du monde 2015 et Euro 2022, l’équipe de France ne compte plus ses cicatrices des déceptions face à la sélection allemande. Pourtant, le 8 août (13 heures) à Adélaïde (Australie), les Bleues ne seront à les entendre pas complexées du tout si elles retrouvent comme prévu leur bête noire en huitièmes de finale du Mondial. « L’Allemagne, ça peut être une revanche pour nous, explique ainsi ce mercredi Grace Geyoro. Ça va être à nous d’imposer notre jeu. » Ce que les partenaires de Wendie Renard n’avaient pas su faire un an plus tôt, en demi-finale de l’Euro 2022 (1-2), durant laquelle elles avaient subi la loi de l’incontournable Alexandra Popp.

« Je n’ai pas peur de l’Allemagne, assure pour sa part Selma Bacha. Je sais qu’on peut le faire. La Colombie l’a fait [2-1 en poule], pourquoi pas nous. Nous ne devons avoir peur de personne. » Et si ce 8 août 2023 était un soir de grande première fondatrice dans l’histoire du football féminin français, face à son épouvantail allemand ?

Vicki Becho, la rafraîchissante joker

Il y a quatre mois, Vicki Becho vivait une soirée cauchemardesque en concédant un penalty, aussi naïf que sévère, qui précipitait l’élimination de l’OL à Chelsea en quart de finale de la Ligue des champions. Personne n’imaginait alors que l’attaquante de 19 ans (3 buts en 30 apparitions cette saison) serait de l’aventure en Australie cet été. Mais Hervé Renard lui a fait confiance et l’ex-Parisienne a sans complexe dynamité les fins de match contre la Jamaïque et le Brésil. Avant d’inscrire ce mercredi son premier but avec les Bleues face au Panama, dans la foulée du triplé de Kadidiatou Diani.

Je suis hyper fière, je n’imaginais pas tout ça, avoue l’intéressée. Ce but, je l’ai voulu tellement, tellement, tellement… Aujourd’hui, je me dis que c’est incroyable. Il y a un an jour pour jour, j’étais à la Coupe du monde U20, un grand pas a été effectué. »

Et comment… Dans une attaque handicapée par les forfaits de Delphine Cascarino et de Marie-Antoinette Katoto, Vicki Becho est la supersub parfaite pour Hervé Renard. Le genre de révélations inattendues et indispensables dans la quête d’un sacre mondial comme le visent ouvertement les Bleues en Australie. « J’ai l’impression que cette compétition se passe un peu comme l’Euro U19 [en 2019], sourit la Lyonnaise. Je ne m’attendais pas à faire cet Euro U19, j’étais jeune, j’avais 15 ans, et on l’a gagné. Donc j’espère qu’on va aussi gagner cette Coupe du monde. »

Gare aux errances défensives et au manque d’agressivité

Malgré une première place méritée dans le groupe F, les onze jours de compétition des Bleues s’accompagnent de bémols, à commencer par les wagons de duels subis en première période contre la Jamaïque. « On a souffert dans l’agressivité. Il faut être plus conquérants d’emblée », lâchait ainsi à chaud Hervé Renard. Le sélectionneur n’a pas davantage goûté ce mercredi à l’entame cata contre le Panama, avec un but encaissé après moins de deux minutes, et surtout à la fébrilité défensive affichée en seconde période contre une sélection n’ayant jusque-là jamais inscrit le moindre but dans son Histoire lors d’un Mondial.

« Il y a beaucoup de choses qui m’ont déplu en deuxième mi-temps, indique l’ancien double vainqueur de la CAN. On a commencé à faire un peu n’importe quoi, il faut respecter le football. Le collectif s’est petit à petit effrité et on est tombé dans la facilité. » Le sélectionneur a ainsi pointé « une mauvaise attitude », comme un avertissement en vue des « matchs vérités » qui commencent dans six jours. Mais quand on voit que même l’ogre américain, grandissime favori à sa propre succession, est passé à un poteau d’être piteusement éliminé par le Portugal (0-0) dès le premier tour, on se dit que le rêve fou de la bande à Hervé Renard est toujours bien d’actualité.


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