La délicate question de la remise en liberté du policier devant le tribunal

Il est rare qu’un acte relativement banal dans la justice française soit aussi attendu, et qu’on sache, avant même qu’elle soit tenue, qu’une telle audience sera pour le moins très commentée. Ce jeudi, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence se penche sur la demande de remise en liberté d’un policier de la brigade anticriminalité de Marseille. Le policier a été placé en détention provisoire suite à sa mise en examen dans l’affaire Hedi, ce jeune serveur victime d’un tir de flash-ball en marge des émeutes dans le centre-ville de Marseille. 20 Minutes fait le point.

Quels sont les faits ?

Dans la nuit du 1er au 2 juillet, alors que Marseille fait face à une nuit d’émeutes après la mort de Nahel, un jeune serveur, Hedi, âgé de 22 ans, est victime d’un tir de LBD dans la tempe. Sur son lit d’hôpital, une partie du crâne en moins, il raconte à La Provence avoir été également roué de coups par plusieurs policiers. Au total, quatre membres de la Brigade anticriminalité (BAC) de Marseille ont été mis en examen dans ce dossier pour violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à huit jours. L’un d’entre eux, accusé d’avoir tiré sur Hedi, a été placé en détention provisoire.

Cette décision de justice a eu un véritable retentissement. Quelques jours après, le directeur de la police nationale prend la parole dans Le Parisien. « Avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison », clame alors Frédéric Veaux, emboîtant le pas à une partie des syndicats de police. Une vague de colère déferle sur la police marseillaise, qui enregistre des arrêts maladie en cascade, jusqu’à gagner d’autres départements en France.

Le syndicat majoritaire de la police, Alliance, ainsi qu’Unité SGP Police, ont demandé qu’un « policier sans condamnation, dans le cadre d’une mission de police » ne puisse pas être placé en détention provisoire. Les déclarations du directeur général de la police ont suscité la colère et l’inquiétude des magistrats mais aussi de membres de la majorité.

Quels policiers ont-ils fait appel ?

Ce jeudi, à partir de 8 h 30, la cour d’appel d’Aix-en-Provence se penche sur le cas non pas d’un, mais de deux des quatre policiers mis en examen. L’un d’entre eux a fait appel de son contrôle judiciaire. Le second, celui placé en détention provisoire, demande sa remise en liberté. Selon une information de Marsactu confirmée par 20 Minutes auprès de l’avocat d’Hedi, Me Jacques-Antoine Preziosi, le parquet général demande le maintien en détention de ce membre de la BAC. Reste à connaître la décision que prendra la cour d’appel. Contacté, l’avocat de ces deux policiers, Me Pierre Gassend, n’a pas donné suite à nos sollicitations. Selon nos informations, les syndicats de police n’ont pas donné comme consigne à leurs collègues de se rendre à l’audience, contrairement à d’autres précédents cas où les policiers sont venus parfois en nombre à Marseille soutenir un collègue mis en cause. « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, estime Rudy Manna, secrétaire départemental du syndicat Alliance dans les Bouches-du-Rhône. Ça ne sert à rien. Il faut laisser la justice se faire dans la tranquillité, en espérant que le résultat soit favorable pour tous les policiers. »

Qu’en pense l’avocat d’Hedi ?

Interrogé par 20 Minutes Marseille, Me Preziosi ne cache pas son inquiétude quant au contexte pour le moins tendu qui entoure cette audience. « Est-ce que le juge subit des pressions ? Sûrement pas. Est-ce qu’il subit des influences ? Evidemment oui. C’est un homme ou une femme qui a des frères et sœurs, des enfants. Tous ces gens regardent les médias, lisent les articles, ont vu les vidéos. Il va dîner avec eux. Il n’aura pas de pression mais il aura une influence. Il doit rendre sa décision en toute sérénité. Mais est-ce que la notion d’ordre public va dominer sur tout dans cette affaire, y compris sur le droit ? Le problème aujourd’hui dans ce dossier, c’est de faire retourner les policiers dans les commissariats. Tout ça relève de la gestion politique et est légitime. Mais Hedi est sacrifié sur l’autel de la gestion politique. Il suffit de voir là ce qu’a dit le président de la République. Il y a une verticalité du soutien, et on dit que Hedi a servi de défouloir à des policiers stressés. On comprend l’émotion du bourreau mais on n’a pas de compassion pour la victime. C’est une honte. » « Que vont faire les collègues si ce policier est libéré ? s’interroge Rudy Manna. Je pense que 95 voire 100 % d’entre eux vont reprendre. Et s’il reste en détention ? Franchement, je ne sais pas. » Une question qui se posera nul doute rapidement, une fois la décision rendue.

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