« Il est trop tôt pour parler de sortie de crise », selon les syndicats

Il avait gardé le silence face à la colère qui gronde. Depuis près d’une semaine, Gérald Darmanin semblait sourd à la vague de protestation qui déferle sur la police en France. A Marseille, puis aux alentours, les arrêts maladies de policiers se multiplient, en réaction au placement en détention provisoire d’un policier mis en examen pour des violences sur un jeune serveur, Hedi, aujourd’hui lourdement blessé, en marge des émeutes à Marseille. Et les rangs des forces de l’ordre dans la deuxième ville de France demeurent aujourd’hui clairsemés.

Dans ce contexte tendu, ce jeudi, dans la soirée, le ministre de l’Intérieur a brisé le silence, après avoir reçu les organisations syndicales. « Quoi qu’on en dise, sa parole était attendue avec grand intérêt au niveau des forces de l’ordre, souligne Eddy Sid, délégué SGP-Police à Marseille. Les mots chez nous du chef, c’est très important. Et il a été clair et limpide. » Gérald Darmanin a notamment affiché son soutien à Frédéric Veaux, lui-même en accord avec les policiers mécontents, et dit comprendre la « colère » des membres des forces de l’ordre.

« Des collègues en arrêt maladie demandent à pouvoir revenir »

Cette position n’a pas manqué de susciter l’inquiétude des hauts magistrats. « Une nouvelle fois, la remise en cause par le ministre de l’Intérieur de l’application de la loi pénale par les magistrats, évoquant un non-respect de la présomption d’innocence et donc du principe d’impartialité s’agissant des policiers, constitue une critique directe des décisions de justice », déplorent dans un communiqué les conférences nationales des chefs de cours d’appel.

Cette prise de parole va-t-elle toutefois apaiser la situation à l’Evêché ? « On a déjà eu des sollicitations de quelques collègues qui se positionnent et qui sont prêts à reprendre du service, eu égard au soutien du ministre de l’Intérieur, rapporte Eddy Sid. Des collègues en arrêt maladie sur Marseille demandent à pouvoir revenir. » Pour autant, ce phénomène reste « minoritaire », selon ce syndicaliste. « Il est beaucoup trop tôt pour parler d’une sortie crise, avertit Eddy Sid. Le mouvement est très important. » Selon nos informations, le nombre d’arrêts maladies dans les Bouches-du-Rhône avoisinerait les 800, soit un chiffre comparable aux jours précédents.

« Le mal est fait »

« Je ne sais pas si la prise de position de Gérald Darmanin va apaiser les choses, s’interroge Rudy Manna, secrétaire départemental du syndicat Alliance dans les Bouches-du-Rhône. Le truc, c’est que personne n’est en colère contre l’institution policière ou le ministre de l’Intérieur, comme ça a pu être le cas par exemple dans le passé contre Castaner. Et le mouvement n’est pas dirigé par les organisations syndicales. Il vient de la base et traduit un mal beaucoup plus profond, un vrai malaise. Le mal est fait. Cette affaire, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. J’ai des mecs de 50 balais au téléphone qui me disent qu’ils ne se sentent pas de reprendre. En 2021, il y a eu 2.000 demandes de mises en disponibilité. En 2022, ça a doublé : c’est un chiffre record. Et 2023 va être apocalyptique. »

« Maintenant, il va falloir que certains chantiers avancent, croit savoir Eddy Sid. La loi est faite pour évoluer, et c’est au législateur de s’emparer de la question de la présomption d’innocence des policiers. Aujourd’hui, la présomption de culpabilité lors d’interventions policières est mise en avant par certains magistrats. »

Et de clamer : « Il est indéniable que le traitement fait à notre collègue le 3 août peut aussi être un tournant au mouvement en cours. » La cour d’appel d’Aix-en-Provence se penchera ce jour-là sur la demande de remise en liberté du policier incarcéré. Une cagnotte a été récemment ouverte en soutien au jeune serveur victime d’un tir de LBD sur la tempe par un de ses amis.

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