Gérald Darmanin dit comprendre la « colère » et la « tristesse » des policiers, après plusieurs jours de protestation

Il était jusqu’ici resté silencieux. Depuis un commissariat du 19e arrondissement de Paris, le ministre de l’intérieur a pris la parole, jeudi 27 juillet en début de soirée, avant de recevoir les syndicats de police dans la soirée place Beauvau. En plein mouvement de protestation des policiers lié à l’incarcération de l’un d’entre eux à Marseille, soupçonné d’avoir roué de coups un jeune homme, Gérald Darmanin a assuré que les policiers « ne réclament pas l’impunité » ni « d’être au-dessus des lois », et a dit comprendre leur « colère » et leur « tristesse ».

« Ils ont vu que des partis politiques évoquaient le fait que la police tue, on les insulte, on les villipende et se rajoutent à cette fatigue une émotion, une colère, et pour beaucoup d’entre eux (…) une tristesse de ces procès d’intention, ces procès médiatiques », a-t-il ajouté, devant le préfet de police de Paris Laurent Nuñez et le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux.

Depuis les propos polémiques du patron de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux – qui avait estimé qu’un policier n’avait pas sa place en prison –, Gérald Darmanin était resté silencieux, nonobstant le contexte de protestation chez les fonctionnaires de police, à la suite de l’incarcération de l’un de leurs collègues. « Je le soutiens totalement, et je suis très fier qu’il soit mon collaborateur », a déclaré à son sujet le ministre l’intérieur.

« On est en pleine crise », confiait plus tôt à l’Agence France-Presse Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat Unité-SGP-Police-FO. « Je pense que le ministre [Gérald Darmanin] a conscience que les résultats dans les services sont impactés et que ce n’est pas sporadique. C’est assez inédit. En 2018, on avait eu un appel au 562 au début de la crise des “gilets jaunes”, mais ça n’avait pas été très suivi. Là, les policiers trouvent plus facilement une légitimité dans le mouvement », assure-t-elle.

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Un mouvement qui touche « moins de 5 % » des agents, selon Darmanin

Les déclarations du directeur général de la police nationale, issues d’un entretien publié dimanche par Le Parisien et qui avaient reçu l’aval du cabinet du ministre, ont déclenché un tollé chez les magistrats et dans la classe politique. Des policiers sont, eux, entrés dans une phase de protestation, en se mettant en « code 562 », ce qui veut dire en service minimum ; certains sont même en arrêt de travail. Le mouvement est difficilement quantifiable, mais les organisations syndicales assurent qu’il prend de l’ampleur partout en France. « Moins de 5 % » participent au mouvement, a tempéré Gérald Darmanin jeudi soir.

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La contestation est venue de Marseille, une semaine après l’incarcération d’un policier de la brigade anticriminalité (BAC) soupçonné d’avoir roué de coups un homme de 21 ans, avec trois autres collègues, dans la nuit du 1er au 2 juillet. Les faits se seraient produits lors des émeutes qui ont embrasé le pays, à la suite de la mort de Nahel M., tué le 27 juin par un policier lors d’un contrôle routier.

Frédéric Veaux était ensuite venu en soutien des policiers en s’exprimant dans Le Parisien. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, avait déclaré sur Twitter (rebaptisé « X » cette semaine), qu’il partageait ses propos. Ces deux plus hauts cadres de la police française ont été alors les seuls à s’exprimer. En déplacement en Nouvelle-Calédonie, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est refusé à commenter les propos du patron de la police. Il a cependant dit, lundi, comprendre « l’émotion » des policiers, avant de lâcher : « Nul en République n’est au-dessus de la loi ».

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Un syndicat demande la création d’un statut spécifique du policier mis en examen

« On attend que ce [jeudi] soir, ce ne soit pas un discours stérile et qu’on nous dise pas : on vous comprend, mais vous n’aurez rien », avait averti un peu plus tôt Linda Kebbab, qui précise qu’il ne s’agit « pas d’un mouvement de défiance vis-à-vis du ministre ». Le syndicat Unité-SGP-Police-FO demande, en particulier, la création d’un statut spécifique du policier mis en examen, qui exclue la détention provisoire d’un agent agissant en mission.

Pour le syndicaliste Anthony Caillé (CGT-Intérieur-Police), « avoir une justice d’exception à l’endroit des policiers, ça n’est pas entendable, ça n’est pas acceptable », « ce serait grave dans une république, dans une démocratie ».

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« Par contre, c’est un métier qui est en extrême souffrance. On n’a qu’à le voir sur le taux d’arrêts maladie et le taux de suicides dans notre profession, extrêmement important. Mais à force de ne demander aux policiers de ne faire que des missions répressives, punitives, ça n’est pas tenable », a relevé Anthony Caillé jeudi sur Franceinfo.

Le Monde avec AFP

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