Expulsion d’enfants et de près de 300 personnes… Que se passe-t-il dans la Ville rose ?

Chaimaa est arrivée d’Algérie il y a cinq ans pour pouvoir vivre un mariage qui n’était pas accepté dans sa famille. Aujourd’hui, celle qui avait traversé la Méditerranée pour une vie faite d’amour en France se retrouve à la rue avec ses trois enfants de 1, 4 et 6 ans. Elle, comme 296 personnes ont été remises à la rue ces dernières semaines par la préfecture de la Haute-Garonne. « Si la préfecture ne trouve pas de solution, je me retrouve à dormir dans la rue avec mes enfants… Je ne connais personne ici », déplore la mère de famille, démunie au pied du bâtiment préfectoral en attendant des nouvelles de leur situation, lundi. Depuis un an et demi, cette famille originaire d’Algérie pouvait vivre grâce à l’hébergement d’urgence proposé par les services de l’Etat mais depuis quelques semaines, des centaines de personnes reçoivent des courriers d’expulsion sous huit jours.

197 personnes sans solution

« Héberger des personnes dans des hôtels n’est bien évidemment pas une solution », admet Rémy porte-parole de l’association Droit au Logement 31, ce lundi au cœur d’un rassemblement contre ces expulsions. « En revanche, remettre ces familles à la rue en huit jours, sans apporter de solution, est illégal » selon l’association qui comptabilise 131 enfants remis à la rue et 197 personnes en lien avec le 115 sans résultat.

« Une femme enceinte a été remise à la rue, une femme atteinte d’un cancer également, sans compter les enfants ! Et selon la justice, ce ne sont pas des personnes en situation de vulnérabilité, c’est incompréhensible », enchaîne le porte-parole de DAL31. « Nous demandons à ce que soit reconnu le caractère de vulnérabilité pour les enfants et les personnes malades, au moins ». Aux côtés de ces familles, une centaine de personnes s’étaient rassemblées en soutien dans l’attente d’une nouvelle décision de la préfecture.

72 millions d’euros par an pour la préfecture

De son côté, la préfecture de la Haute-Garonne justifie, dans un communiqué du 26 juillet, que « le parc d’hébergement d’urgence hôtelier a été multiplié par 5 depuis 2017. Plus de 2000 personnes y sont accueillies chaque jour en sus des 9187 places pérennes, financées par l’État, au titre de l’hébergement d’urgence. Cela représente un coût de 72 millions d’euros par an pour notre département. Malgré cela, au regard d’une pression sans précédent, de par l’intensité des flux migratoires, le secteur de l’hébergement est aujourd’hui saturé. »

Les services de l’Etat ajoutent que « les nuitées se prolongent sur des durées sans commune mesure avec un hébergement qui doit absolument demeurer temporaire. En l’absence de fluidité, il sera dans l’incapacité de répondre à l’accueil de toute nouvelle demande ayant un besoin urgent de prise en charge. Pour rappel, ces « nuitées hôtelières » sont destinées à accueillir de façon transitoire une grande diversité de profils de personnes sans domicile : familles avec ou sans enfants, femmes victimes de violences, personnes isolées, pouvant souffrir de vulnérabilités diverses. 80 % des places occupées le sont par des étrangers en situation irrégulière. »

« Tout le monde ne peut pas accéder à un logement »

Des hébergements transitoires donc, mais « tout le monde ne peut pas accéder à un logement : les sans-papiers, les personnes qui n’ont pas de travail ou qui travaillent au black… Ce n’est pas si simple. Ces personnes ne profitent pas d’un logement, ils n’ont juste pas d’autres solutions », développe Roland Mamin, président de l’association Droit au logement 31.

« La fin des prises en charge des personnes accueillies en chambre d’hôtel, dans le cadre d’une mise à l’abri temporaire en urgence s’impose au regard des durées très importantes, et sans aucune perspective. Les notifications prononcées concernent des personnes hébergées depuis plus d’une année voire beaucoup plus dans le dispositif et dont la situation n’a pas évolué » répond de son côté la préfecture.

Mais ce lundi, cette dernière n’a pas été en mesure de répondre aux attentes des familles et associations réunies… Contactée, elle n’a, pour l’instant, pas encore apporté d’éclairage. Et sur le parvis, les langues se délient… « Effet Coupe du monde de rugby ou Jeux olympiques… On veut vider les hôtels », glisse un manifestant. Tandis que les familles sans abri, elles, ne se posent qu’une question : où dormir ce soir.

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