Entre admiration et critiques, une cote du pape « ambivalente » chez les jeunes cathos de France

« Je reviendrai [de ce voyage] rajeuni », glisse à la presse le pape François lors de son arrivée ce mercredi à Lisbonne. Là-bas, un million de jeunes catholiques, dont environ 40.000 Français, attendent de pied ferme le souverain pontife à l’occasion des Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ) qui se déroulent dans la capitale portugaise du 1er au 6 août. Sur place, le pape tiendra onze discours et une vingtaine de rendez-vous sur l’Eglise et des thèmes d’actualités forts comme la guerre en Ukraine, la lutte contre le réchauffement climatique, les inégalités dans le monde… Des sujets qui touchent les jeunes, croyants ou non par ailleurs. « Moi, je l’admire énormément pour ses combats, notamment sur l’écologie et sur la gouvernance dans l’Eglise », nous raconte Nicolas, 25 ans, un pèlerin français, qui nous rapporte une « ambiance exceptionnelle » à Lisbonne. « Oh, on vient de m’avertir que le pape arrivait », nous glisse-t-il avec une pointe d’excitation.

Une opinion « ambivalente »

« Une partie de ces jeunes, notamment ceux qui sont aux JMJ, ont un a priori favorable au pape François, même s’il nous manque des données précises pour l’affirmer », indique Claude Dargent, sociologue spécialisé sur les questions de religions.

Cependant, tous les jeunes n’« admirent » pas le pape à l’image de Nicolas. Pour Christine Pedotti, directrice de la revue Témoignage chrétien, l’opinion des jeunes catholiques sur le pape reste « ambivalente ». Premièrement, « le pape n’a pas une position identitaire, mais plutôt universaliste ». Un frein à l’opinion des jeunes d’après l’autrice, en raison d’un mouvement d’ « esprit de corps » identitaire chez certains jeunes. En effet, avec le recul du catholicisme en France, « la chrétienté est plus diluée. Des jeunes sont donc à la recherche d’une identité » plus marquée, témoigne Nicolas.

« Le pape vient d’Argentine, il a un fort intérêt pour les ”périphéries”, pour l’Afrique et l’Asie. Il n’est jamais encore venu en France [le pape fera sa première visite officielle en France à Marseille les 22 et 23 septembre prochains]. Il ne nourrit pas le sentiment d’identité » que désirent certains jeunes catholiques français, explique Christine Pedotti.

« La jeunesse catholique est diverse »

Parmi les points pouvant diviser les jeunes catholiques, les prises de position politiques du souverain pontife, comme « l’accueil inconditionnel des migrants et l’enjeu écologique sont des points clivants, confirme Christine Pedotti. Certains jeunes lui reprochent une position qui n’est pas suffisamment spirituelle, ils veulent un pape plus pieux. » « Ce fut mon avis à une époque, mais finalement ça fait du bien à l’Eglise d’avoir un pape qui se tourne vers l’extérieur, qui est ouvert d’esprit », répond Nicolas, qui est également membre de l’association L’Œuvre d’Orient.

Cet avis sur les « points clivants » est cependant relativisé par Claude Dargent. D’après le chercheur, « ces jeunes appartiennent à une génération qui est particulièrement sensible » aux questions d’écologie et d’accueil migratoire, ce qui les rend plus enclins à adhérer aux thèses du pape. « En même temps, la jeunesse catholique est diverse. Il peut donc y avoir une fraction identitaire parmi eux. Mais je la tiens pour ma part pour minoritaire », raconte Claude Dargent.

Surnommé « le Pape des pauvres », le successeur de Benoît XVI a également exprimé des positions sur la pauvreté susceptibles de faire grincer les dents d’une partie des jeunes. Dans un sondage réalisé par La Croix en mai, on apprend que les jeunes catholiques qui ont répondu à l’appel du pape à Lisbonne sont à 87 % issus de foyer de CSP +. Certains héritent donc d’une « identité bourgeoise », selon Christine Pedotti. « Il existe une forte dissension entre des jeunes qui défendent une forte identité catholique, des racines chrétiennes, un passé un peu rêvé et puis un pape intéressé par les pauvres et les périphéries, prônant une forme de socialisme évangélique », développe-t-elle.

L’homosexualité, un tabou ancestral

L’arrivée de Jorge Mario Bergoglio à la tête du Vatican a été accompagnée par des légers changements de positions sociétales, notamment sur les « points non négociables » de son prédécesseur Benoît XVI, sur l’opposition de l’Eglise à l’avortement, la contraception et l’homosexualité. « Si quelqu’un est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour le juger ? », avait déclaré en 2013 le pape, bouleversant des siècles de pénalisation de l’homosexualité par l’Eglise catholique. Officiellement, « il n’a pas changé la doctrine » et les textes du Vatican sur les questions LGBTQIA +, relativise Christine Pedotti. Mais cette prise de position sociétale a questionné et clivé, notamment chez les jeunes. La place de l’homosexualité et l’homoparentalité sont « l’un des vrais clivages des jeunes, ajoute la journaliste, certains défendent l’identité catholique que prônait Benoît XVI, avec une forme de défense civilisationnelle en ayant des positions de repli. Je ne suis pas sûr qu’elle soit minoritaire chez les jeunes catholiques ».

Un avis nuancé par Claude Dargent. « Ces jeunes appartiennent à une génération sensible à un certain nombre d’enjeux sur lesquels les positions du pape François peuvent les satisfaire, et [les questions de contraception, d’avortement et d’homosexualité] en font partie d’un point de vue majoritaire ».

Dans le sondage réalisé par La Croix, 28 % de ses jeunes pensent que les homosexuels « ont toutes leur place dans l’Église », 25 % pensent que « les catholiques ne doivent pas être jugés ou identifiés en fonction de leur orientation sexuelle »​, un tiers affirme qu’elles ont « toute leur place dans l’Église dans la mesure où elles ne promeuvent pas l’homosexualité comme égale à l’hétérosexualité » et enfin presque 20 % de ces jeunes jugent « qu’on ne peut être catholique et pratiquer son homosexualité ». Des avis très partagés, à l’image des avis de nos experts sur la popularité du Pape auprès des jeunes catholiques.

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