DIRECT. Procès des attentats du 13 Novembre 2015 : « «On est pas sortis du ventre de nos mères barbus avec une kalachnikov dans la main»

L’essentiel

  • Fourniture d’armes, de faux papiers, connaissance des projets mortifères… Depuis plus d’un mois, 14 hommes comparaissent à Paris pour répondre de leur implication à divers degrés dans les attentats du 13 novembre 2015 qui ont fait 131 morts à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et à Paris. Tous nos articles sur le sujet sont ici.
  • Vendredi dernier, les parties civiles ont terminé de livrer leurs douloureux témoignages à la cour. Des soignants ont notamment expliqué la spécificité des blessures, physiques et psychiques, des victimes. Retrouvez ici notre récit.
  • C’est sur les personnalités des accusés que la cour va désormais se pencher. Enfance, parcours scolaire, professionnel, passé judiciaire, pendant quatre jours, les quatorze accusés doivent se livrer. À commencer par le principal mis en cause, Salah Abdeslam, dès ce mardi midi. Suivront les interrogatoires de « l’homme au chapeau », Mohamed Abrini puis Mohammed Amri et Yassine Atar.

L’essentiel

16h30. L’audience est suspendue pour quelques minutes.

16h22. « On est pas sortis du ventre de nos mères comme ça, barbus avec une kalachnikov dans la main ». L’accusé répond à un assesseur et rappelle qu’il a grandi en Europe et a été « comme tous les jeunes ». Il dit ses addictions à la drogue et à l’alcool, ses soirées en discothèque. Puis lâche : « On est pas sortis du ventre de nos mères comme ça, barbus avec une kalachnikov dans la main ».

16h11. Salah Abdeslam, « c’est comme un frère ». Mohamed Abrini parle des cinq dernières semaines où il a écouté les témoignages des parties civiles : «Personne ici ne s’est moqué des victimes (…) Pour moi ces cinq semaines-là, c’était compliqué. J’étais pas le commanditaire ». Le président lui rappelle qu’il a été sermonné pour avoir discuté avec son voisin. Abrini tend le bras sur sa gauche, où est assis Salah Abdeslam : «C’est comme un frère, je sais que tout le monde le déteste. Vous nous avez entendu discuter, mais c’est normal, ça fait six ans que je l’ai pas vu. »

16h03. La « torture psychologique ». Mohamed Abrini s’exprime sur ses conditions de détention. Il parle de privation de sommeil, de l’enfermement : « On m’a craché sur mon tapis de prière, on a pissé sur mon Coran. (…) J’ai vu des choses incroyables. Fallait presque leur rappeler qu’on est toujours des êtres humains. » Il reprend : « C’est sans commune mesure avec ce que les familles de victimes ont vécu le 13 novembre » et regrette que l’opinion n’accepte pas d’entendre parler de leurs conditions d’incarcération rigoureuses : « C’est comme s’ils essayaient de comparer notre douleur à la leur »

Mohamed Abrini est interrogé par la cour. AFP

15h46. Passion pour le jeu. Mohamed Abrini dit que pendant un certain temps, il aurait pu dépenser jusqu’à 5000 euros par jour en jouant. Il énumère ces jeux, et cite « la roulette russe ». Le président de la cour d’assises lève le sourcil et plaisante : « La roulette russe, ça laisse pas beaucoup de temps pour rejouer. » Au micro, Mohamed Abrini dévoile ses dents et rigole : « La roulette tout court en fait ».

15h46. L’enfance à Molenbeek. Pour Mohamed Abrini, dans cette ville de la banlieue de Bruxelles (Belgique), « il n’y a pas de choix ». Selon lui, dans cette commune, 20 % ont réussi, 80 % non : « Je fais partie de ceux qui n’ont pas réussi », déplore le délinquant. Sur l’une de ses condamnations à des travaux d’intérêt. Une peine qu’il n’a pas achevée. Il explique cette interruption : « Je suis parti en Syrie. »

15h31. « Le meilleur d’entre nous, le meilleur de la famille, il a été tué en Syrie ». Abrini présente sa fratrie à la cour. Son frère cadet Soulaimane a rejoint l’Etat islamique en Syrie en 2014. Il y est mort alors qu’Abrini se trouvait en détention. L’accusé en chemise blanche détaille son parcours avant les attentats. Avec un bon mot. « Échec scolaire, échec sportif, échec et mat », dit-il en secouant les bras. Le jeune homme aurait pu devenir joueur professionnel, aime-t-il se vanter.

15h24. « Quand j’étais très très petit on m’appelait Spiderman ». Mohamed Abrini a cinq frères et sœur. Âgé de 37 ans, ce voisin de la famille Abdeslam est soupçonné d’avoir ramené Salah Abdeslam de Paris après les attentats et d’avoir participé aux attentats de Bruxelles. Ses surnoms ?, l’interroge le président de la cour d’assises. « Brioche », il ne sait pas pourquoi. « La Brink’s » par contre, « c’est par rapport à mon parcours criminel ».

15h20. Au tour de Mohamed Abrini. Après 2h20 d’interrogatoire, au cours duquel il a souvent présenté un sourire en coin, Salah Abdeslam peut se rasseoir. Son ancien voisin de Bruxelles et son voisin de box actuel, Mohamed Abrini, se lève.

15h17. « Je n’aime pas me plaindre », dit le principal accusé. « Il me semble que vous vous étiez plaint un peu le premier jour », reprend le président, qui rappelle que Salah Abdeslam criait dans le box, assurant être « traité comme des chiens ». « C’est la colère qui m’a fait dire ça », se défend-il.

15h15. L’isolement. « Si j’essaye de parler avec quelqu’un, on le met deux semaines au mitard. C’est un truc de fou, ça, s’agace un peu Salah Abdeslam. Les surveillants m’empêchent de parler avec qui que ce soit. » « Si ces conditions de détention sont celles-ci, c’est pour l’empêcher d’avoir tout contact avec l’extérieur », rappelle Me Olivia Ronen.

15h08. Non aux caméras. « Je sais que ça a été décidé pour prévenir le suicide (…) Je pense que vivre avec une caméra 24h/24. Je l’ai supporté difficilement, mais je l’ai quand même supporté grâce à mon Seigneur. », dit Salah Abdeslam d’un ton grave. Pour lui ces caméras pourraient faire « l’effet inverse « : « Ça me pousse à vouloir en finir. (…) Même les animaux, ils sont pas traités comme ça (…) J’espère que cela ne se reproduira pas pour les autres » L’un de ses avocats précédents avaient gagné un recours sur ce sujet. Le détenu avait remporté une indemnité de 500 euros mais l’avait refusée. Il réfléchit longuement avant de répondre : « Je voulais qu’on me retire les caméras, j’ai pas besoin d’argent ».

15h01. « Ma cellule, elle fait 9m2, y a deux caméras. » Salah Abdeslam décrit à son avocate ses conditions de détention : « Je peux rien faire en fait, je n’ai aucune activité. » Il continue : « J’peux pas sortir quand je veux (…) Juste le matin, la promenade ou le sport pendant une heure. » Selon lui, la cour de promenade « est une cour individuelle, on peut pas voir le ciel parce qu’il y a des barreaux des barbelés (…) Elle est très petite. » Le président, qui a visité la cellule de Salah Abdeslam avant le procès, intervient : « On voit le ciel quand même un p’tit peu. »

14h58. Les questions de la défense à Salah Abdeslam. « Je sais que vous n’aimez pas beaucoup parler de vous », commence son avocate Me Olivia Ronen. L’impact de son incarcération en 2010 et sa première condamnation en 2011 : « Ce que je peux vous dire ça m’a fait mal parce que j’étais sortie pour boire un verre et que je me suis retrouvé dans cette affaire (…) J’ai mal pris ça »

14h52. Ses liens avec Brahim. « Est-ce qu’il avait une forme d’autorité sur vous ? », questionne Catherine Swarck, une avocate des parties civiles. « Comme tous les grands frères, répond Salah Abdeslam. Chez nous on respecte les grands frères. Tant qu’ils nous commandent des choses raisonnables… » Les deux frères ont participé ensemble aux attentats du 13 novembre.

14h39. « Je suis pas un délinquant ». Le représentant du ministère public l’interroge sur ses éventuels « projets de vol » avant son incarcération. Certains de ses projets ont été évoqués par son entourage en interrogatoire. Il répond : « Vous savez, les interrogatoires en matière de terrorisme, les gens sont prêts à dire tout et n’importe quoi. Sur la tentative de vol pour laquelle il a été condamné : « À cause de l’alcool, une mauvaise fin de soirée ». « On m’a pas éduqué comme ça », ajoute-t-il. Il dit boire un peu d’alcool, consommer les cigarettes et le cannabis : « J’étais pas dépendant, c’était juste occasionnel entre amis. »

14h38. Le mariage. En 2010, « j’ai demandé la main de la fille aux parents, ils ont accepté, il fallait un peu de temps, on aime bien faire des grands mariages, donc il fallait un peu de sous, donc il fallait que je trouve un emploi.

14h34. Une chaise dans la fenêtre au café d’en face. Selon l’avocat général, Salah Abdeslam allait chaque jour dans un établissement pour jouer au bingo et boire des verres. Un soir, il se serait mis dans une colère noire et aurait brisé une fenêtre avec une chaise. Il nie. « C’était très rare que j’aille en discothèque (…) J’y allais de temps en temps pour me divertir. (…) Je suis ni un joueur ni un sorteur de discothèque. »

14h30. « Abaaoud, c’était mon ami, je traînais tous les jours avec lui. (…) Abrini je le connaissais depuis longtemps mais je le voyais pas tous les jours », détaille encore Salah Abdeslam face aux questions de l’avocat général.

14h27. Pourquoi n’a-t-il jamais formulé de demandes de remise en liberté ? « C’est difficile à imaginer que vous allez me lâcher ! », raille le détenu. Avec ses yeux rieurs, Salah Abdeslam présente à la cour un tout autre visage que celui qu’il avait présenté en septembre, au tout début du procès.

14h21. « Si j’étais en Ukraine, je serai pas revenu ». Il plaisante devant la question d’un assesseur qui lui demande s’il a été en Ukraine en janvier 2016, entre les attentats du 13 et son arrestation en Belgique en mars 2016. Le principal mis en cause dans ce procès semble détendu. En réalité, il n’était pas en Ukraine, précisent ses avocats, un homme se faisant passer pour lui avait téléphoné à l’ambassade, assurant se trouver dans ce pays de l’est.

14h17. « Brahim, c’est le frère que je préférais ». Salah Abdeslam raconte combien il était proche de son frère Brahim, comment il fréquentait sa bande de copains, dont une partie se trouve à ses côtés dans le box des accusés. « Peut-être qu’il s’est plus occupé de moi quand j’étais petit, plus attentionné ».

14h15. La prison au Maroc en 2011. « Je m’en souviens très bien. C’est des personnes qui voulaient nous agresser, du coup moi je me suis défendu, s’en est suivie une bagarre avec une personne que j’ai blessée. Du coup on m’a accusé à tort, explique Salah Abdeslam à une juge assesseur. La justice au Maroc ça a rien à voir avec ici. Du coup, je suis rentré en prison pendant une semaine et après on m’a libéré » .

14h11. Les vacances de Salah Abdeslam. L’accusé raconte être allé à Shanghai (Chine) en 2008 avec un copain. En Égypte aussi : « Je pense que j’avais été seul ». « J’ai été aussi en Turquie », en 2010. Au Maroc, « quelques fois, toujours en vacances, avec la famille ».

14h05. La vie d’avant. Sur un ton presque badin, les échanges continuent entre le président et le principal accusé. Ils évoquent les soirées en boîte, les verres pris avec les copains. « Je suis né en Belgique, j’ai grandi, j’ai été imprégné des valeurs occidentales. », répond SAlah Abdeslam. Mais, ajoute-t-il : « Je dansais pas, je suis pas vraiment danseur ». Rires dans la salle d’audience. Courant 2014, probablement au moment de sa radicalisation, Salah Abdeslam arrête ces sorties.

13h57. Ses relations avec « l’homme au chapeau ». « Je connais Mohamed Abrini, c’est mon voisin depuis plus de vingt ans, je connais sa famille, ses parents, c’est une très bonne famille ». Les deux hommes se rencontrent en début d’adolescence. « Ses parents sont des personnes qui n’ont jamais fait de problème à qui que ce soit, qui sont respectés. » Près de lui dans le box, Abrini semble sourire derrière son masque. Il dit qu’il connaissait aussi Mohammed Amri, Hamza Attou : « Molenbeek, c’est petit, tout le monde se connaît. Attou était plus l’ami de mon frère. Je l’ai connu via Brahim. On mangeait, on buvait un verre, rien de spécial » Il dit ne pas connaître Yassine Atar, Mohamed Bakkali. « Monsieur Kharkhach je le connais pas, d’ailleurs je sais pas ce qu’il fait ici » « Sofien Ayari, je le connais, on a été arrêtés ensemble », répond Salah Abdeslam, esquissant un sourire. En « c’est vrai que c’est compliqué de dire que vous le connaissiez pas ! », plaisante en face le président Jean-Louis Périès.

13h54. L’empoisonnement. En 2016-2017, le jeune homme s’était plaint de subir des tentatives d’empoisonnement durant sa détention. Des plaintes qui inquiètent la prison qui le voit alors « déprimé » et « parano ». Mais Salah Abdeslam ne souhaite pas s’expliquer sur ce sujet.

13h50. « Parler avec des gens, mais pas forcément avec le Spip ». En prison, Salah Abdeslam ne souhaite plus être en contact avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) ni avec les agents de la pénitentiaire. Des « bonjour » et « au revoir », sont seulement échangés. « Ça veut pas dire que je suis renfermé, si on me parle je peux discuter. »

13h46. En prison. « J’ai des visites régulièrement de ma mère, de ma tante, de ma sœur aussi. Une fois par mois. Mes frères aussi, quand ils arrivent à se déplacer. C’est plus occasionnel ». Salah Abdeslam a aussi accès à une heure de téléphone le matin, une heure l’après-midi.

13h44. Sa vie amoureuse. « Je ne souhaite pas m’exprimer sur ça », sourit l’accusé. « C’est un petit peu personnel » . « Il a le choix de répondre ou de ne pas répondre à certaines questions », défend Me Olivia Ronen, l’une de ses deux avocats.

13h37. Son parcours judiciaire. Le président questionne Abdeslam sur ses condamnations. En 2011, il est condamné pour tentative de vol : « J’ai été incarcéré pendant cinq semaines. » Le président s’intéresse particulièrement à l’un de ses co-accusés dans cette affaire. « Vous avez été condamné avec d’autres personnes à ce moment-là ». « Je ne souhaite pas m’étaler là-dessus », renâcle le trentenaire. « C’est pas grave, moi je vais le dire », intervient le président. « Vous étiez également avec Abdelhamid Abaaoud dans le cadre de cette tentative de cambriolage », note le président, prononçant ainsi le nom du coordinateur des attentats abattu à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

13h33. « J’ai été licencié, car je suis rentré en prison », explique-t-il concernant son départ de la société de transport de son père. Pourtant, dit-il, « j’étais très motivé, j’suis quelqu’un qui aime bien travailler. » Le seul survivant des commandos des attentats détaille son CV à la cour, ses interims, sa formation de chauffeur de taxi, …

13h28. « Mon enfance, très simple ». Salah Abdeslam semble se plier de bon gré à l’interrogatoire du président « J’étais quelqu’un de calme, gentil, j’obéissais à mes parents (…) y a toujours eu une bonne ambiance » à la maison. « J’ai suivi l’enseignement technique (…) j’étais aimé par mes professeurs, j’étais un bon élève. » Dans la moyenne de la classe, précise le président Périès. Puis il quitte l’école à 18 ans, et est engagé comme électromécanicien pendant un peu plus d’un an dans la société de son père.

13h25. « Il y a Brahim que vous connaissez ». Salah Abdeslam détaille sa fratrie et parle de son frère Brahim qui s’est fait exploser au Comptoir Voltaire. Il évoque aussi un autre frère qui s’est fait licencier « à cause du 13 novembre. »

13h23. « Monsieur Abdeslam, vous voulez bien vous lever, s’il vous plaît. » Le principal accusé en chemise blanc cassé, un gilet gris. Son crâne est rasé de près, il arbore une longue barbe brune. « Je suis d’origine marocaine, je suis né en Belgique et j’ai la nationalité française », répond Salah Badeslam.

13h22. La mise en garde du président. Le président demande que les questions se limitent à « l’engagement religieux qui pourrait déborder sur la radicalisation », le fond du dossier qui lui doit être abordé en janvier.

13h11. L’audience démarre avec des discussions sur le « versement tardif » de nouvelles pièces par la défense de Farid Kharkhach. 200 pages ont été versées dans le week-end, s’indigne le ministère public. « Cet accusé doit finalement être entendu aujourd’hui, à la demande de ses avocats.

13h04. L’audience est reprise.

12h40. « On prend les récits en pleine figure ». Depuis 2016, une équipe de chercheurs demande à des centaines de Français de raconter leurs souvenirs des attentats de Paris et de Saint-Denis. Cette étude, à laquelle de nouveaux citoyens volontaires peuvent participer, doit servir à mieux comprendre les mécanismes de la mémoire. On vous explique tout dans cet article.

12h30. « Lola dansait au Bataclan. Elle est morte en dansant ». La semaine dernière, le grand-père et la tante de la plus jeune victime du Bataclan, Lola, 17 ans, ont évoqué à la barre de la cour d’assises spécialement composée de Paris l’infinie douleur causée par sa mort. « Un cataclysme » pour toute une famille. Lisez ici leur douloureux témoignage.

12h15. Bonjour et bienvenue sur ce direct. La cour examine aujourd’hui les personnalités des accusés. Le premier interrogatoire est celui de Salah Abdeslam.

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