Dans l’intimité de Léon et Marguerite, deux amoureux pendant la Première Guerre mondiale

« Ah ma petite femme adorée, j’ai par moments tellement de découragement que si ce n’était pas toi qui me retenais à la vie, eh bien je préférerai me tuer que vivre plus longtemps cette vie ». 1.531 lettres qui racontent une histoire d’amour. Celle de Marguerite et Léon, amant pendant la Première Guerre mondiale. Ceux qui sont tombés amoureux sur le Boulevard Bonne Nouvelle à Paris six mois seulement avant le début du conflit se sont écrits tous les jours relatant – à leur corps défendant – le récit de leur liaison, de la guerre et de toute une époque. Lui au front, elle au travail, Léon et Marguerite n’ont jamais cessé de s’écrire pour faire vivre leur amour.

Tout commence un Mardi Gras, dans l’ignorance et l’insouciance d’un Paris d’avant-guerre, en ce 24 février 1914. Il a 21 ans, elle 23. Marguerite et Léon se sont embrassés pour la première fois le 24 mars et chaque année, durant quatre ans, ils fêteront, par écrit, cette rencontre et ce premier baiser qu’ils chérissaient tant. Ils ne pourront malheureusement que peu profiter de la naissance de cet amour. Six mois plus tard, Léon rejoint l’armée en novembre de la même année.

Démarre alors une relation épistolaire inscrivant à jamais le quotidien sur le front, la vie difficile à Paris mais surtout leur amour, leurs désirs, leur frustration… Parfois coquins, parfois drôles mais surtout touchants, les deux tourtereaux se livrent au quotidien.

Une carte postale érotique de Léon. – DR

Mais ma petite femme adorée ne t’inquiète pas et sache que si je n’ai pas le grand bonheur de te revoir et te serrer bien fort dans mes bras mon dernier souffle sera pour prononcer ton nom. » Léon, le 5 juin 1916 dans les tranchées.

Une fin tragique…

Si leur histoire perdure sur le papier plus d’un siècle plus tard, leur relation s’achèvera au bout de quatre ans… Le 10 juillet 1918, soit 23 jours avant sa mort, Léon est à Barran dans le Gers, au château hôpital de Mazères. Atteint, entre autres, de la tuberculose contractée au front, il ne peut ni voir ses parents, ni sa Marguerite. Un éloignement qui envenimera la relation du couple. Elle enceinte, lui mourant. Et deux personnes qui s’en veulent… Léon meurt de suffocation à Choisy-le-Roi le 3 août 1918. Il ne verra jamais sa petite Huguette, sa fille. Avec lui, s’envolent ces lettres. Un témoignage qui aurait pu rester dans l’oubli, caché dans une malle.

Un recueil en hommage aux amants maudits

Mais voilà qu’en ce début de XXIe siècle, elles se retrouvent aux mains du réalisateur et auteur toulousain, Pierre Mathiote. Passionné par cette trouvaille, il passera trois ans à décrypter, retranscrire et relater ces quatre années d’amour et de guerre. « Marguerite et Léon, c’est avant tout une trop brève histoire d’amour de deux gosses. La guerre fera d’eux des adultes. Derrière la pudeur des mots, les images sont très explicites », explique Pierre Mathiote enivré par cette histoire.

« Nous suivons leur vie intime sans tabou. Ils évoquent les bons moments passés mais aussi ceux à venir. Ils se confient leurs rêves érotiques, les petits accidents de Monsieur en rêvant à elle, les « indispositions » de Madame, les décalages des permissions pour éviter cette période, oubliant que leurs lettres pouvaient être lues un jour par quelqu’un ». Et du privé au public, le réalisateur a décidé d’en faire un « Beau Livre », témoin d’une réalité d’antan. Après de nombreux voyages sur les traces de Léon, la recherche de leur descendance et un œil immersif dans leur intimité, le Toulousain travaille sur un recueil de près de 70 poèmes qu’il a déjà rédigés et qu’il souhaite publier lui-même. Une cagnotte a même été lancé pour aider l’auteur a publié un projet « de toute une vie ». Un hommage à Marguerite et Léon, à leur amour et à ce « trésor unique » qui a traversé le temps.

source site