Actifed, Humex… Après les mises en garde, comment les pharmaciens conseillent les patients face au rhume

Actifed, Humex Rhume, Dolirhume ou encore Nurofen Cold and Flu… Après la France fin octobre via l’ANSM, au tour de l’Europe de déconseiller certains médicaments anti-rhume disponibles sans ordonnance. Le comité de sécurité de l’Agence européenne du médicament (EMA) a recommandé le 1er décembre à certains patients de ne pas utiliser les médicaments qui décongestionnent le nez, afin de minimiser des risques de complications graves, notamment une réduction de l’apport sanguin au cerveau. « Les médicaments contenant de la pseudoéphédrine ne doivent pas être utilisés chez les patients souffrant d’hypertension artérielle sévère ou non contrôlée, ou d’insuffisance rénale aiguë ou chronique sévère », indique l’EMA sur son site.

Les autorités sanitaires pointent donc des risques bien excessifs pour le traitement d’un rhume inoffensif et voué à guérir de lui-même en quelques jours, mais ces médicaments, bien que déconseillés, restent en vente libre dans les officines. Alors, comment les pharmaciens conseillent-ils les patients souhaitant un traitement pour leur rhume ?

« La pseudoéphédrine, c’est prendre un bazooka pour tuer une mouche »

« Nous sommes calés sur la décision de l’ANSM de limiter au maximum la dispensation de ces produits, et nous allons aussi nous pencher sur les conclusions de l’agence européenne du médicament », assure Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

En pratique, « avec la multiplication des alertes, on observe depuis plusieurs années déjà une diminution des ventes », souligne Guillaume Racle, pharmacien d’officine et conseiller économie et offre de santé à l’USPO. L’an dernier, il s’en est ainsi vendu 3 millions de boîtes, contre 16 millions en 2010. Et dans son officine, « ils sont tout en bas du présentoir derrière moi, pas à la vue directe. Si un patient enrhumé me demande un traitement anti-rhume, je ne conseille jamais de médicament à base de pseudoéphédrine. C’est prendre un bazooka pour tuer une mouche, estime-t-il. On a d’autres traitements tout aussi efficaces, associant du paracétamol à un antihistaminique, ou à des plantes aux propriétés antivirales. Mais aussi des solutions de lavage du nez à base d’eau de mer. Et si un patient demande une spécialité avec pseudoéphédrine, le plus souvent, quelques explications suffisent pour l’orienter vers un autre traitement. Dans tous les cas, on conseille chaque personne au regard de son âge, de ses symptômes et de ses autres pathologies et traitements éventuels », précise le pharmacien.

Plantes, vitamine C… et encore de la pseudoéphédrine

Pour s’en assurer, 20 Minutes est discrètement allé faire un tour dans trois pharmacies de la capitale, prétextant un rhume classique avec nez bouché et qui coule. Dans la première, après s’être renseignée sur les symptômes ressentis, la pharmacienne a conseillé un « spray à base d’eau de mer pour des lavages réguliers du nez, du Doliprane en cas de douleurs. Et, pour lutter contre l’infection virale, un complément alimentaire à base de plantes, d’huiles essentielles et de vitamine C », sans pseudoéphédrine. Un traitement toutefois déconseillé aux femmes enceintes ou allaitantes, aux personnes sous traitement antidiabétique, ou encore en cas d’antécédents de cancer du sein. Mais aucune mention de ces contre-indications n’a été faite. Un peu plus loin, dans une autre officine, pour le même rhume léger avec nez bouché et écoulement nasal clair, le pharmacien a cette fois-ci conseillé « un décongestionnant en spray nasal [sans pseudoéphédrine, disponible seulement sur ordonnance] pour déboucher le nez, et un complément alimentaire à base de plantes et de vitamine C pour traiter la sphère ORL et renforcer le système immunitaire ».

A 300 mètres de là, dans une troisième officine, une publicité contre un médicament anti-rhume trônait dans la vitrine. Après une question rapide sur les symptômes présents, mais aucune sur l’état de santé général, la pharmacienne a cette fois-ci recommandé l’un des médicaments déconseillés par l’ANSM, mais toujours autorisés à la vente. A savoir « des comprimés pour le jour et la nuit à prendre toutes les quatre heures », expliquant que le médicament contenait « de la pseudoephédrine, pour décongestionner le nez, et du paracétamol, à ne pas prendre en même temps que du Doliprane ». Un test illustrant la baisse du recours à ces médicaments, mais soulignant la nécessité d’interroger le patient sur son état de santé général.

De son côté, l’ANSM réitère sa recommandation exprimée en octobre « de ne pas utiliser les formes orales des médicaments vasoconstricteurs pour soulager les symptômes du rhume ».

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