un test politique pour Moscou aux multiples enjeux

Beaucoup de choses ont changé depuis la première édition du sommet Russie-Afrique qui s’était tenue à Sotchi en 2019. Ce nouveau rendez-vous devrait avant tout permettre à la Russie de compter ses soutiens, alors que l’Afrique s’est montrée particulièrement divisée sur la question de l’invasion de l’Ukraine, au moment de voter devant l’Organisation des Nations unies.

Quarante-trois chefs d’État avaient fait le déplacement lors du premier sommet et la nouvelle photo de famille sera observée de très près, alors que la Russie espère convaincre ses alliés de lui renouveler leur confiance.

Ces derniers mois, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a multiplié les visites sur le continent africain, alors que son homologue ukrainien se trouvait en Guinée équatoriale quelques jours avant le début de ce sommet.

Durant les semaines précédant ce rendez-vous crucial, la Russie a accusé les alliés occidentaux de l’Ukraine – dont la France – d’avoir exercé des « pressions sans précédent » pour dissuader les chefs d’États africains de se rendre à Saint-Pétersbourg.

Le ministre ukrainien Dmytro Kouleba a démenti ces manœuvres. En revanche, il a estimé que ce sommet servira d’« instrument de propagande » à Vladimir Poutine, soucieux de « blanchir sa réputation ».

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Le président russe, qui a visité l’Afrique subsaharienne une seule fois en 20 ans, apparaît isolé sur la scène internationale et fragilisé dans son propre pays. Après des mois de spéculation, Vladimir Poutine – qui est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale – a notamment dû renoncer à participer au sommet des Brics qui se tiendra fin août 2023 en Afrique du Sud.

 

Le président russe Vladimir Poutine saluant lors d’une photo avec des chefs d’État participant au Sommet Russie-Afrique 2019. REUTERS – POOL

 

Les céréales, un enjeu majeur

Au-delà de l’aspect éminemment symbolique de ce sommet, la Russie promet « des annonces » allant dans le sens d’un « meilleur accès à la nourriture, aux engrais, aux technologies et aux ressources énergétiques » pour l’Afrique.

Moscou a décidé récemment de ne pas renouveler sa participation à l’accord qui permettait à l’Ukraine d’exporter ses céréales via la mer Noire, malgré le blocus russe. Un retrait qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur l’inflation et la sécurité alimentaire du continent où de nombreux pays affichent une forte dépendance au blé russo-ukrainien.

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Pour faciliter ses exportations de céréales, de matériel agricole et surtout d’engrais, la Russie réclame de son côté un allègement des sanctions économiques qui la visent. En parallèle, Vladimir Poutine a d’ores et déjà promis de « remplacer les céréales ukrainiennes à destination de l’Afrique » et d’aider « les pays dans le besoin » à travers des donations spécifiques.

Moscou a déjà procédé ces derniers mois à des dons stratégiques d’engrais à destination de certains pays africains qui rencontrent des difficultés d’approvisionnement, en faisant de son engrais un nouvel outil diplomatique.

L’avenir du groupe Wagner en question

La Russie s’est en outre imposée entre 2018 et 2022 comme le premier exportateur d’armes en Afrique subsaharienne, devant la Chine. Et, si ces exportations ne représentent que 12% des ventes d’armes du pays, elles sont significatives sur le plan stratégique.

En revanche, la rébellion avortée du groupe Wagner à la fin du mois de juin a jeté un certain trouble dans les esprits. Elle semble poser la question de l’avenir de la milice russe sur le continent, particulièrement au Mali et en Centrafrique, mais aussi au Soudan ou en Libye.

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Dans une vidéo postée depuis la Biélorussie, peu de temps après son bref coup de force, le chef paramilitaire Evgueni Prigojine a néanmoins assuré que le travail des « instructeurs » de Wagner se « poursuivrait évidemment » sur le continent.

Promesses non-tenues ?

Enfin, à l’approche du sommet de Saint-Pétersbourg, de nombreux observateurs ont pointé les manquements de la Russie, qui n’a pas toujours agi à la hauteur de ses engagements. En 2019, Vladimir Poutine avait notamment promis de « doubler dans les cinq ans les échanges commerciaux » avec le continent. Pourtant, ceux-ci ont enregistré un net recul entre 2018 et 2021, passant de 20 milliards de dollars à 17,7 milliards de dollars – très loin derrière la Chine, l’Union européenne ou les États-Unis.

De plus, 70% de l’ensemble du commerce russe avec les pays africains se limite en réalité aux quatre partenaires privilégiés que sont l’Égypte, l’Algérie, le Maroc et l’Afrique du Sud.

Certaines voix critiques accusent donc la Russie de ne pas être particulièrement intéressée par le développement du continent, mais de chercher uniquement à se positionner comme un partenaire incontournable pour les pays africains, déçus par leurs relations avec les puissances occidentales.

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Les dirigeants africains moins nombreux qu’au Sommet Russie-Afrique 2019

Les délégations de 49 pays africains sont attendues à Saint-Pétersbourg. Mais un peu plus d’une vingtaine de chefs d’État et de gouvernements africains ont accepté l’invitation du président Poutine, contre 43 en 2019.

Sans surprise, les alliés historiques de la Russie sont représentés au plus haut niveau à Saint-Pétersbourg : le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le Congolais Denis Sassou-Nguesso, l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le Zimbabwéen Emmerson Mnangagwa, l’Érythréen Issayas Afewerki.

Les nouveaux partenaires privilégiés de Moscou font aussi le déplacement : le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra et le président malien Assimi Goïta, entourés d’une importante délégation et le président burkinabé Ibrahim Traoré. Pour ces deux derniers dirigeants putschistes, c’est d’ailleurs le premier déplacement hors d’Afrique. 

En revanche, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a annulé son déplacement. Le Nigeria envoie son vice-président. Quant à la trentaine d’autres pays africains, elle est représentée au niveau ministériel, au mieux par le Premier ministre pour l’Algérie, l’Éthiopie, le Maroc et la Mauritanie ; ou le ministre des Affaires étrangères pour l’Angola, le Gabon, le Bénin, Madagascar et le Tchad, tandis que la Côte d’Ivoire envoie à Saint-Pétersbourg son ambassadeur en Allemagne. La photo de famille autour de Vladimir Poutine sera donc moins prestigieuse qu’il y a quatre ans.

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