Quels sont les enjeux du coup d’Etat, désormais soutenu par les militaires ?

Le vent a tourné à Niamey. Encerclés et menacés hier par l’armée, les putschistes qui séquestrent le président du Niger depuis hier sont désormais soutenus par les forces armées. Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu’alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel miné par les attaques de groupes liés à l’Etat islamique et à Al-Qaïda, à connaître un coup d’Etat depuis 2020. Influence de la Russie, lutte antidjihadiste, approvisionnement en uranium… 20 Minutes fait le point sur les enjeux et les conséquences de ce putsch.

La Russie à la manœuvre ?

« Les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés. Tous les Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront », avait tweeté ce jeudi matin le président Bazoum, alors qu’il était séquestré depuis plusieurs heures par sa propre garde présidentielle. Mais quelques heures plus tard, les centaines de personnes qui manifestaient devant l’Assemblée nationale brandissaient des drapeaux russes, criaient des slogans anti-français, et soutenaient le putsch.

Dans la foule, des jeunes criaient « à bas la France, vive la Russie ». Ils étaient regroupés derrière Issouf, garagiste, qui affirmait que « la France n’a pas su gérer nos problèmes, on a besoin de prendre notre propre destin en main ». Au Mali et au Burkina Faso aussi, des coups d’Etats militaires ont déjà poussé les troupes françaises dehors, laissant place à la Russie. « On savait que le pouvoir du président Bazoum était très fragile », indique Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Mais il estime qu’il est encore « trop tôt pour dire » si la junte « très composite » va se rapprocher de Moscou et couper les ponts avec Paris.

Quelles peuvent être les conséquences dans la région, notamment en matière de lutte contre le terrorisme ?

Le Niger est une place centrale pour la lutte antidjihadiste des forces françaises et occidentales, en particulier depuis les coups d’Etats au Mali et au Burkina Faso, où prospèrent les terroristes. Outre ces deux pays, le Niger est aussi « bordé par le chaos libyen », image Alain Antil, tandis que Boko Haram prospère au Nigeria. « On peut craindre un décrochage sécuritaire », pointe Alain Antil, pour qui « l’option malienne de virer toute la communauté internationale et de garder la milice Wagner n’est pas très efficace ».

Environ 1.500 militaires français sont présents dans le pays et travaillaient jusqu’ici en étroite collaboration avec l’armée locale. Mais d’autres pays étaient aussi présents, notamment les armées allemandes et italiennes, et les Etats-Unis fournissaient aussi un soutien matériel.

Faut-il craindre pour l’approvisionnement en uranium des centrales nucléaires françaises ?

Si les liens économiques avec ce pays pauvre n’étaient pas forcément très développés, un géant français y a toutefois une place stratégique : Orano, ex-Areva. Au mois de mai, l’entreprise avait signé un accord avec le gouvernement nigérien pour prolonger son exploitation de la mine d’uranium de la Somaïr jusqu’en 2040. L’entrée de la mine avait d’ailleurs été forcée par des djihadistes en 2013.

Si l’extraction d’uranium par une société française dans une ex-colonie française représente un atout stratégique, il ne faut pas surestimer l’importance de cette mine. « Sur les dix dernières années, le Niger est le 5e fournisseur de la France », souligne Alain Antil. Selon Orano, cela représente 10 à 15 % des besoins des centrales électriques françaises.

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