« Madame, comment on a un César ? »… Une réalisatrice retourne dans son ancien collège

La preuve par l’exemple. Marine Laclotte, réalisatrice césarisée en 2022, est revenue vendredi dans son ancien collège Anatole-France afin de montrer aux collégiens qu’il est possible de rêver d’une carrière dans le milieu du cinéma. Ce vendredi, à Cadillac (Gironde), la jeune réalisatrice de 31 ans, dont le court métrage documentaire Folie douce, folie dure, basé sur des rencontres au sein de l’hôpital psychiatrique de cette ville de Gironde, a été primé aux Césars, est entourée de centaines de collégiens.

Les classes de troisième s’installent en chahutant un peu dans l’amphithéâtre de l’établissement mais la jeune réalisatrice, spontanée et enthousiaste, sait rapidement capter leur attention. S’ils n’ont pas tous le doigt sur la couture du pantalon, les élèves sont visiblement très nombreux à être intéressés par cette rencontre. Marine Laclotte, elle, a été invitée dans le cadre du dispositif « un artiste à l’école » (lire encadré) qui a l’ambition d’éveiller les plus jeunes aux métiers de la culture. Et si la trentenaire est venue parler de son parcours, elle va avant tout répondre aux questions des collégiens qui ont visionné le court métrage de dix-huit minutes.

« La culture, ce n’est pas que pour les fils de »

La première fuse : « Madame, comment on a un César ? » Alors Marine Laclotte raconte son bac STI arts appliqués « conseillé par son prof d’arts plastiques » et son orientation vers le cinéma d’animation grâce à un autre enseignant qui avait perçu son envie de « raconter des histoires ». Premier conseil : « écoutez vos profs ! »

Bonne élève à Cadillac, la jeune femme ne cache pas qu’il faut être « assidu ». Assidu dans ce cursus qui l’amènera dans une école des métiers du cinéma d’animation à Angoulême, un lieu « pour rencontrer des professionnels et se faire un réseau ». Elle reconnaît cependant qu’elle a eu de la chance de faire un film professionnel dès sa sortie de l’école grâce à un dispositif d’accompagnement de fin d’études : « Je n’ai pas eu à faire tous les petits postes pour gravir les échelons et j’ai été identifiée d’entrée comme autrice-réalisatrice. »

Et puis Folie douce, folie dure sortira en mars 2020, juste à temps pour être éligible aux César en mars 2022. Entre-temps, le court métrage avait eu des premiers prix et des grands prix dans pas mal de festivals. La fabrication du court métrage aura duré quatre ans, « une moyenne » pour ce type de projet. « On arrive à animer 2,5 secondes par jour quand on a bien travaillé » explique la jeune réal’ aux collégiens qui écarquillent les yeux en l’écoutant.

Le César, « un booster d’ego de ouf »

Un adolescent lui demande si elle gagne bien sa vie. Elle répond du tac au tac qu’elle est plutôt satisfaite de sa rémunération, expliquant au passage le statut d’intermittent du spectacle. « Je n’ai jamais imaginé être dans la salle des César, raconte encore Marine Laclotte. Pour moi, c’était un truc pour le cinéma live et les stars un peu people. » Au moment de l’annonce de la récompense, elle décrit « un truc de dingue, une grande émotion » et depuis « un booster d’ego de ouf » pour se lancer sur d’autres projets.

Un élève lui demande si un César c’est le « graal ». Elle répond que le mot est un peu fort mais que c’est « une sacrée récompense » délivrée par « des pairs », qui connaissent très bien leur domaine. Mais alors que pourrait bien vouloir faire Marine Laclotte après avoir été auréolée d’une telle récompense ? « Continuer à faire des films sans avoir trop de mal à les financer », lâche la réalisatrice sans hésiter. Et grâce à ce César, certaines demandes de financements devraient être plus aisées…

« La culture, ce n’est pas que pour les “fils de” »

Un César que la réalisatrice avait bien évidemment amené dans ses bagages. Dès qu’elle sort la statuette, les collégiens se lancent dans un tonnerre d’applaudissements. Elle passe ensuite dans les rangs, scrutée et soupesée par chacun des collégiens. « Ils ont eu des questions super pertinentes et j’espère que ma venue va leur permettre de se projeter sur des idées, confie la réalisatrice à 20 Minutes à la fin de la rencontre. Même ma mère qui était à l’écoute de mes envies professionnelles, s’est demandé si ce n’était pas trop spécialisé mon diplôme dans les métiers d’arts (DMA) en cinéma d’animation, après le bac ».

En introduction, Louise Devaux, coordinatrice du projet « un artiste à l’école », avait expliqué que cette visite devait prouver qu’il ne fallait « pas s’autocensurer, que la culture, ce n’est pas que pour les Parisiens et pour les “fils de”. « Il faut avoir des envies et y travailler », avait-elle encore lâché. Marine Laclotte aura peut-être semé une petite graine chez quelques-uns des collégiens qui se sentiraient l’envie de ramener le César à la maison.

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