Les trombes de pluie du mois de juillet suffiront-elles à remplir les nappes phréatiques ?

Un temps pourri. Alors que la pluie s’abat sur le nord et l’ouest de l’Hexagone depuis plusieurs semaines, les niveaux d’eaux des nappes phréatiques et la sécheresse continuent d’inquiéter. « Ce n’est pas parce qu’il pleut qu’on n’a pas de problèmes de sécheresse. Et de la même manière, ce n’est pas parce les températures sont plus basses que les normales pendant quelques jours qu’il n’y a pas de dérèglement climatique », a souligné le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu sur France Inter ce mercredi matin.

Pour 20 Minutes, Agnès Ducharne, hydrologue et directrice de recherche au CNRS revient sur la question de l’impact des pluies d’été sur les niveaux des nappes phréatiques.

68 % des niveaux en dessous des normales mensuelles

« Au nord de la France, en juillet, une bonne partie (des niveaux) des nappes phréatiques étaient plus bas que la moyenne », rapporte Agnès Ducharne. Ainsi, globalement, selon le service géologique national BRGM, ces niveaux demeurent « peu satisfaisants sur une grande partie du pays : 68 % des niveaux étaient sous les normales mensuelles en juin 2023 […] et devraient rester en baisse ». A la même époque l’année dernière, 75 % des nappes phréatiques étaient sous les normales mensuelles. Une situation donc légèrement meilleure cette année, mais toujours inquiétante. Pourtant, selon le bulletin national de situation hydrologique, les précipitations ont été « excédentaires » sur une grande partie du pays en juillet, notamment en Bretagne, en Normandie et dans les Hauts-de-France

Alors les pluies observées en ce moment vont-elles recharger les nappes phréatiques ? « A priori non, pas beaucoup, observe Agnès Ducharnepas beaucoup puisque les pluies en été servent principalement à alimenter la végétation, qui est en phase de croissance. Il y a beaucoup de feuilles aux arbres et aux plantes plus basses, les besoins en eau de ces plantes à cette saison sont très importants. » De facto, quand l’eau arrive à s’infiltrer dans les sols, elle est directement captée par les racines des plantes et ne peut donc que très peu recharger les nappes phréatiques. Au total, d’après le site du gouvernement, « seules 20 à 23 % des précipitations annuelles arrivent à s’infiltrer en profondeur ».

« Il faudra attendre l’hiver prochain »

D’autant plus qu’avec la situation « catastrophique », selon les dires de l’hydrologue, dans certains départements en matière de sécheresse des sols, l’eau peine à s’infiltrer en profondeur lors des pluies. « Il faut comparer ces sols à une éponge », illustre l’hydrologue. Quand les sols sont très secs, d’importantes pluies ne peuvent être absorbées par les sols. Il faut un petit débit pour que ces terres puissent doucement s’imbiber en eau.

« Il faudra attendre l’hiver prochain » pour bien recharger les nappes phréatiques. « La saison de recharge des nappes, c’est de la fin de l’automne au début du printemps », détaille la directrice du CNRS. La végétation est très faible à cette période, alors cette eau de pluie n’est pas captée par les racines et peut donc s’infiltrer en profondeur.

Surveillance accrue des niveaux

Dans son bilan mensuel, la BRGM avertit que « la situation devra être particulièrement surveillée sur les nappes qui affichent actuellement des niveaux sous les normales mensuelles ».

A noter, grâce aux récentes pluies excédentaires sur le nord du pays, « la sécheresse des sols s’améliore » tout de même, glisse l’hydrologue. « Et ça, c’est très positif. La végétation est beaucoup moins stressée par le manque d’eau. Les arbres sont donc en meilleure santé, entraînant des rendements agricoles plus importants. L’évaporation par la végétation en bonne santé, et par les sols qui sont suffisamment alimentés par les pluies récentes, permettent aussi de refroidir les régions concernées. »

Autre bon point des pluies du moment, l’amélioration des niveaux des cours d’eaux. Et même si « une bonne partie » des eaux de pluie « est prélevée par la végétation avant même de rejoindre » ces rivières et ruisseaux en tout genre, comme le raconte Agnès Ducharne, ces précipitations dans le nord de la France « ont atténué les sécheresses hydrologiques des cours d’eau. Donc par rapport à l’année dernière, nous sommes quand même dans une situation un peu plus favorable ».

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