Les bateaux de Marin d’eau douce sur le canal de l’Ourcq resteront-ils à quai en 2024 ?

Les petits bateaux électriques rouge et blanc font partie du décor du canal de l’Ourcq depuis dix ans déjà. Et ont déjà transporté quelque 800.000 Parisiens et touristes depuis 2013, selon Olivier Doin, l’un des deux cofondateurs de Marin d’eau douce.

Mais alors que la concession doit être renouvelée l’an prochain, un collectif d’usagers de la base nautique du bassin de La Villette, une association de protection de l’environnement et une de riverains du Canal de l’Ourcq ont écrit, le 14 juillet, une lettre commune à la mairie pour demander l’arrêt de l’activité. Les raisons ? La protection de la biodiversité de la zone, les nuisances sonores et logistiques pour les riverains mais surtout des difficultés de cohabitation dans un espace fluvial de plus en plus occupé.

« Une gestion en régie de cette activité de bateau ne serait-elle pas possible, en complément des initiations de canoë-kayak et d’aviron proposées par la base nautique, la seule intramuros à Paris ? », s’interroge Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe communiste au Conseil de Paris, qui soutient leurs demandes.

Stop ou encore en 2024 ?

Pour le collectif d’usagers de la base nautique, il est impensable de renouveler la concession à Marin d’eau douce en 2024, ni même d’envisager un renforcement de la réglementation. « On demande le retrait de Marin d’eau douce du bassin de La Villette », affirment Olivier et Benoît Bourreau, créateurs du collectif. L’association PAZ, qui défend les animaux liminaires du canal, et qui a cosigné le courrier, ne vise pas directement la société de location de bateaux. « Le principal n’est pas qui le gère mais bien l’arrêt pur et simple de cette concession pour laisser les oiseaux aquatiques vivre paisiblement ».

Du côté de l’entreprise de bateaux électriques, c’est la sidération. « Je suis très surpris par l’ampleur que prend cette affaire, déplore Olivier Doin. On a eu quelques accrochages avec la base nautique, en particulier à cause du comportement inapproprié d’une personne avec nos clients. J’en ai informé la mairie en envoyant un courrier. Et donc on en arrive à la mise en place de ce collectif. C’est aberrant ». Le cofondateur de Marin d’eau douce peine à trouver les mots et renvoie aux avis Google sur la base nautique de La Villette. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont peu élogieux. S’agirait-il alors d’une querelle de voisinage ou d’un engagement plus poussé pour partager au mieux un espace nautique de plus en plus recherché ?

Des nuisances pour la faune et pour les autres usagers

« En 2021, on a essayé de contacter Marin d’eau douce après de nombreux signalements, rembobine Anaïs Sanvisens de PAZ. On demandait des consignes plus strictes pour les usagers de ces bateaux sans permis. On n’a jamais eu de réponse donc on a aussi fait des démarches auprès de la mairie du 19e. Sans succès ». Car pour l’association de défense des animaux, le comportement bruyant et peu respectueux des clients a des effets nocifs sur les oiseaux aquatiques notamment, notamment les cygnes Odette et Siegfried devenus célèbres pendant le confinement. « On a obtenu la sanctuarisation de la darse du Rouvray pour leur permettre de s’y reposer et de s’y reproduire. Mais hors de ce bras mort, les bateaux peuvent foncer sur les oiseaux, leur jettent de la nourriture, bref les dérangent et s’en amusent ». Des incivilités également constatées par le collectif d’usagers de la base nautique du bassin de La Villette.

Olivier Bourreau affirme que les bateaux rouges et blancs ne respectent aucune règle élémentaire de sécurité. « Ils zigzaguent et tournent en rond sur le bassin, ce qui rend très difficile l’initiation canoë aux scolaires la semaine et l’aviron le week-end. Et la présentation des règles de sécurité dure à peine trois minutes, on les voit faire. Les animateurs de la base nautique sont obligés de faire la police ». Chez Marin d’eau douce, Olivier Doin assure « avoir renforcé depuis quelques années, notre présence sur l’eau pour encadrer les gens et la pratique, avec en permanence deux bateaux qui surveillent le plan d’eau ». Et n’avoir pas augmenté la flotte depuis trois ans. « On n’a jamais eu d’accident sur nos bateaux et nous tirons un bilan très positif de ces dix ans. Nous sommes ravis d’ouvrir ce milieu de la navigation, du fluvial, un peu fermé au plus grand nombre ».

Comment partager l’espace ?

« On s’oppose à la privatisation du bassin de La Villette, assure Nicolas Bonnet-Oulaldj. Préfère-t-on une base nautique municipale qui permette à tous de pratiquer les sports d’eau ou un tourisme de masse qui ne respecte pas l’environnement, ni les personnes autour ? La régulation n’est même plus envisageable, il faut donc faire un choix politique ». Lui aussi interpelle la majorité municipale sur le devenir de cet espace de plus en plus convoité. « On a essayé de voir avec la Mairie de Paris pour exiger plus de règles et de contrôles. Mais d’une part, la police fluviale ne vient jamais sur le bassin ou le canal de l’Ourcq, elle est quasi exclusivement sur la Seine. C’est donc impossible de constater en direct les infractions qui sont pourtant nombreuses. Et puis un règlement a été signé avec la mairie au moment de la concession mais Marin d’eau douce ne le respecte pas », martèlent les frères fondateurs du collectif.

Ils plaident pour un environnement plus calme, « avec des sports de nature, de santé, de l’initiation navale, plutôt qu’un énième espace de consommation ». Et Atco, l’association d’habitants du 19e arrondissement qui s’implique notamment dans les projets autour du bassin de La Villette et du canal de l’Ourcq, soutient le courrier en dénonçant l’augmentation des embouteillages et des nuisances sonores, due à la levée bien plus régulière du pont de Crimée, pour laisser passer les bateaux électriques sans permis de Marin d’eau douce.

Pourtant, l’activité a du succès, 150.000 personnes ont navigué en 2022 sur ces petites embarcations. Que va donc décider la mairie, alors même que l’enjeu est de taille en pleine préparation des Jeux olympiques : quel héritage laisser au bassin de La Villette et sur le canal de l’Ourcq ? En plein mois d’août, la réponse est succincte : « La Ville travaille actuellement sur les contours du prochain appel à projets ». Mais alors qui restera à quai en 2024 ?

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