La Seine, « colonne vertébrale » de la capitale et lien entre sport et culture

« Je ne sais, ne sais, ne sais pas pourquoi on s’aime comme ça, la Seine et moi »… En suspens, la question de Matthieu Chedid résonne chaque jour chez des milliers de Parisiens et de touristes. Et pourrait bientôt résonner chez des millions de téléspectateurs, le fleuve devant accueillir la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. « Ça va être un spectacle artistique dans un cadre unique, qui va raconter notre culture, notre histoire et donner une projection de ce que sont Paris et la France », savoure d’avance Pierre Rabadan, adjoint à la Mairie de Paris chargé des sports, qui y voit l’occasion de « faire passer des idées, des valeurs ».

L’idée de faire défiler les athlètes sur le fleuve intervient à la croisée de deux réflexions. D’abord, « dès la phase de candidature, la Seine a été un élément central », explique l’élu.  « Trait d’union qui relie les territoires, les sites de compétition et le village olympique », le fleuve était vendu comme « vecteur de rassemblement », la « colonne vertébrale de Paris », et donc de ses Jeux. En même temps, « le premier à avoir parlé d’une cérémonie hors stade, c’est Thomas Bach », le président du CIO, se souvient Michaël Aloïsio, directeur de cabinet du président du Comité d’organisation des JO, après les Jeux olympiques de la Jeunesse de Buenos Aires en 2019.

Un lien intime retissé

A l’époque, « tout le monde avait en tête les Champs-Elysées ». Puis vient l’idée de génie de Thierry Reboul, directeur exécutif Marque et Cérémonie des JO de Paris. Suivront un an et demi de travail en sous-marin, puis un an avec les acteurs publics, avant de dévoiler l’idée au grand public, en décembre 2021. « Au XVIIIe siècle, des festivités avaient déjà lieu sur la Seine, avec toutes les populations invitées », approuve l’historienne spécialiste du fleuve parisien Isabelle Backouche. A l’époque, la Seine était déjà « le cordon ombilical de la ville », représentant « deux tiers des approvisionnements et la moitié de l’eau consommée ». Véritable lieu de vie, ce « lien intime entre la Seine et les Parisiens » est cassé ensuite avec l’explosion démographique et de nouvelles politiques urbaines, pour devenir « un espace monumental déserté » à la fin du XIXe siècle.

Et si l’historienne souligne le « tournant Delanoë », la « reconquête avec Paris Plage et la piétonnisation » n’est pas terminée. Ses quais redevenus des « lieux de vie, l’ambition c’est de reconquérir le fleuve lui-même avec un enjeu environnemental fort », clame Pierre Rabadan. « Les Jeux doivent accompagner et accélérer les transformations de la ville et de la Seine », lance-t-il, ouvrant la question de l’héritage des JO sur le fleuve. « On a un questionnement sur le partage des usages de la Seine », dit-il, entre trafic logistique, restaurants, piscines ou encore le quai de la Photo, appelé à naître en bas de la Bibliothèque nationale. Une balade sonore permet aussi aux passants de se replonger dans le Paris du XVIIIe siècle grâce à des panneaux installés en bord de Seine. Sans compter les futures zones de baignade… « Sur la Tamise, il y a aussi eu des aménagements, mais il n’y a pas de symbiose aussi forte entre le fleuve et les intérêts de la ville », analyse Isabelle Backouche.

« La plus belle scène pour le plus grand show du monde »

Voilà aussi sans doute pourquoi la cérémonie sur le fleuve a attendu l’édition parisienne plutôt que celle à Londres, douze ans plus tôt. Par ailleurs, l’historienne y voit une occasion de « calquer la symbolique des JO sur Paris et la Seine, qui figure sur le blason de la ville ». « La Seine est très identifiée dans l’idée que les gens à l’international se font de Paris », insiste Michaël Aloïsio. En 2019, plus de 8 millions de personnes ont ainsi voyagé sur la Seine. Défiler dessus revient à dérouler la frise des grands monuments parisiens, de Notre-Dame à la Tour Eiffel en passant par le Louvre, grandeur nature. « On vient magnifier sur de l’existant plutôt que de reconstruire des décors dans un stade », savoure Michaël Aloïsio.

« Pour la 33e édition des Jeux olympiques, on s’est demandé ce qu’on pouvait faire de plus fort, de plus beau ? La Seine vient nous offrir tout ça », « la plus belle scène pour le plus grand show du monde », ajoute-t-il. « La Seine n’est pas une ville hôte, mais c’est l’acteur central des Jeux », appuie Pierre Rabadan. Il fallait bien lui réserver la plus belle soirée des Jeux.

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