« Je veux que mon drag serve à casser les codes et briser les barrières », déclare Ginger Bitch

Elle était la doyenne de cette saison 2. Ginger Bitch, 44 ans, a été éliminée à l’issue du 5e épisode de Drag Race France sur France 2. « Ça m’a fait plaisir de pouvoir venir représenter les drags de plus de 40 ans, les drags de plus de taille 42, a-t-elle commenté à l’annonce de son départ. Je repars grandie. Ma place dans l’atelier, je l’avais ; ma place dans l’aventure, je l’avais ; ma place dans le milieu drag, je l’ai ». Si Ginger Bitch a fait forte impression lors du défilé “Démesure couture”, enroulée dans une ceinture géante sur un corset d’inspiration Jean-Paul Gaultier, elle a sans doute – malgré une prestation impeccable – moins briller que les autres lors du défi culte de la « comédie musidrag ». Sortie victorieuse du lip sync face à Piche la semaine dernière, elle s’est inclinée cette fois-ci face à Punani. Pour 20 Minutes, l’artiste revient sur son élimination.

Vous vous attendiez à être éliminée à l’issue de votre lip sync ?

Je crois qu’on ne s’y attend jamais. Ou on ne l’espère pas en tout cas. Pendant la performance, on essaye de tout donner. En plus, la semaine d’avant, mon lip sync m’avait permis de rester dans l’aventure. Donc je me suis dit que cela pouvait peut-être marcher une deuxième fois. Bon, ça n’a pas été le cas…

Qu’avez-vous ressenti en entendant prononcer votre nom ?

Je n’étais pas triste. J’étais assez fière de moi, du parcours que j’avais fait jusque-là. De toute façon, c’est une compétition et on sait que chaque semaine il y a une élimination donc, là, c’était moi. J’étais vraiment contente de ce que j’avais fait. Déjà c’était hyperimportant pour moi d’avoir été prise dans l’émission. Et j’ai quand même tenu jusqu’au 5e épisode. Sur 8, c’est pas mal !

Pensiez-vous aller jusque-là dans la compétition ?

Je l’espérais. Dès les premiers épisodes, je me suis rendu compte que le niveau était très élevé. J’ai compris qu’il allait falloir se battre pour rester.

Le lip sync s’est joué sur Dernier jour du disco, face à son interprète, Juliette Armanet. C’était une pression supplémentaire pour vous ?

Ça m’a mis une énorme pression parce que ma drag mother est une fan de Juliette Armanet, elle performe sur ses chansons depuis le premier album. Je me suis dit que je ne pouvais pas la décevoir. Par contre, la présence de Juliette ne m’a pas mis la pression car elle a été d’une telle bienveillance. Elle nous a dit qu’elle avait de la chance de voir des gens qui performent sur sa chanson. Ça fait du bien à entendre.

Vous avez fait Drag Race France pour prouver qu’on pouvait être drag-queen, avoir plus de 40 ans, faire plus d’une taille 42, sans être cantonnée à la comédie. Mission accomplie ?

Oui mais cela le sera encore plus par la suite. J’ai vraiment envie d’aller casser les codes, d’amener quelque chose de différent dans le milieu du drag. Là, je l’ai fait à la télé, et j’espère que cela va continuer dans tout ce qui va se passer par la suite afin de montrer que oui, on peut avoir plus de 40 ans, faire plus de 100 kg et être une super drag-queen.

Avez-vous eu des retours à ce sujet ?

J’ai beaucoup de messages de fans sur Instagram, de gens qui me disent :  « merci, j’ai plus de 40 ans, je n’osais pas me lancer et maintenant j’ai envie de le faire ». Beaucoup de femmes aussi me disent que l’émission leur fait du bien pour assumer leur corps, qu’elles se rendent compte qu’on peut avoir des rondeurs et être belle.

Parfois, est-ce que la doyenne que vous êtes s’est sentie en décalage par rapport aux autres candidates ?

Pas du tout ! Enfin, oui, au niveau de la fatigue, je sentais bien que mon corps n’avait pas 20 ans (rire). J’ai peut-être été la drag qui essayait de s’éclipser pour dormir un peu plus que les autres car on ne dort pas beaucoup pendant cette compétition. Par contre, je sais que les autres candidates me considéraient comme si j’avais 20 ans.

Après le défilé « Démesure couture », vous avez fait une mise au point quant au rôle qu’on vous avait attribué dans la « comédie musidrag ». Vous avez même considéré qu’on vous avait « volé votre challenge ». Avez-vous senti justement que c’était ça qui allait peut-être vous coûter votre place ?

Oui. Déjà ça m’avait saoulée, au moment de la distribution des rôles, tout le monde a eu un de ses trois choix et pas moi. L’erreur que j’ai faite, et Cooky Kunty le dit très bien à ce moment-là dans l’épisode, c’est que j’aurais dû plus me battre pour mon rôle. C’est vrai, j’aurais dû plus me battre et ne pas dire : « pour le bien-être du groupe, je vais prendre ce rôle-là parce que personne ne le veut ». Finalement ça m’a coûté ma place.

Donc il n’y a pas de problème entre vous et Cooky Kunty d’après ce que vous dites…

Non il n’y en a pas. J’ai entendu ce qu’elle m’a dit. Après, je pense qu’il y a eu une incompréhension : elle pensait que je l’accusais alors que pas du tout. Je disais juste : « N’interviens pas lorsqu’on bataille pour un rôle. Si la personne pense que c’est celui qui peut lui faire du bien, celui sur lequel elle a envie de se challenger, laisse-la ».

Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans ce que l’on vous a dit au cours de cette compétition ?

Nicky Doll m’a dit un jour : « tu es légitime, ton drag est valide, tu as ta place dans cette compétition donc arrête de douter ». En fait, j’ai souffert dès le premier épisode du syndrome de l’imposteur. Je me disais : « qu’est-ce que je fais là ? Elles sont toutes jeunes, elles sont toutes belles, moi j’ai commencé le drag il n’y a pas longtemps, etc ». Au bout d’un moment, Nicky m’a dit : « stop, vas-y, bats-toi ». Et c’est ce que je dis en sortant : ma place, je l’ai faite dans le milieu drag, je l’ai faite dans cette compétition. Mon drag est complètement valide aujourd’hui.

Vous ne le ressentiez pas avant ?

Non et je pense que pour chaque drag-queen, c’est un plus qu’on vient chercher dans Drag Race France. On n’est pas obligé de passer par cette compétition pour être une super drag-queen en France, mais cette émission vient valider le travail qu’on a fait.

A la fin de l’émission, vous avez encouragé les gens à vivre leurs rêves. Pour vous, quel a été le déclic ?

Je pense que c’est tout mon parcours de vie, les coups durs que j’ai pu avoir par le passé, que ce soit dans le travail ou ma vie personnelle, les déceptions. Un jour, quand j’ai voulu me lancer à faire du drag, je me suis dit : « à ton âge, tu ne vas pas faire ça ». Et quand je l’ai fait, je me suis sentie libre. Aujourd’hui je suis comme une espèce de bulldozer, rien ne peut m’arrêter. J’ai décidé que c’était ça ma passion, ça qui me faisait vibrer, c’était d’être sur scène, faire du drag. Tous les commentaires négatifs, je ne les entends pas. Je veux qu’aujourd’hui mon drag serve à casser les codes et briser les barrières pour prouver aux gens que quand on veut on peut.

Quelle est la suite pour vous ?

Je vous le demande (rire) ! Je ne sais pas… Là on est encore dans le tourbillon Drag Race, la diffusion, les soirées de projection etc. J’espère avoir par la suite plein d’opportunités. Je ne sais pas du tout comment mon drag va être perçu. J’aimerais beaucoup aller dans des choses où on ne m’attend pas, comme défiler pour des créateurs. Pourquoi aussi ne pas avoir des opportunités en tant qu’animatrice ou chroniqueuse. Apporter une touche un peu queer dans une émission de télé, j’aimerais beaucoup.

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