« Je ne suis pas du genre à mettre l’ambiance en soirée », confie le créateur du jeu « Top Ten »

« Tu fais les courses pour l’apéro. Qu’est-ce que tu achètes ? De “tout le monde adore ça” à “personne ne va y toucher” »

Ou alors :

« Tu es dans les bouchons sur la route. Tu commences à chanter une chanson, de “tout le monde chante en chœur” à “ils m’ont largué au péage” »

Si vous et vos amis n’êtes pas allergiques aux jeux d’ambiance, il y a de bonnes chances que vous ayez déjà entendu ce genre de phrases, issues du jeu Top Ten. On peut aussi citer :

« Quel objet fallait-il avoir lors du naufrage du Titanic ? Du moins utile au plus utile… »

Le but du jeu est de formuler dix réponses et de vérifier si les autres joueurs ont le même classement que vous. Top Ten a été écoulé, si l’on cumule ses différentes versions, à 500.000 boîtes, en deux ans. Si le jeu d’Aurélien Picolet a autant séduit c’est autant pour sa capacité à créer des conversations-confessions burlesques que par la simplicité de ses règles. Edité par Cocktail Games, Top Ten est un carton ludique qui se développe désormais comme une gamme. Une version « + de 18 » est déjà sortie et une nouvelle boîte est en projet.

20 Minutes a rencontré l’auteur de Top Ten.

Comment est née l’idée de « Top Ten » ?

Je ne sais pas… Je ne connaissais pas trop le monde du jeu de société, je suis tombé dedans un peu par hasard grâce à un improbable alignement des planètes. J’avais une idée de jeu de société qui m’est venue comme ça. Je ne savais pas quoi faire de cette idée, alors je suis allé sur un festival de jeu pour le faire jouer à du public, le Double 6 à Saint-Herblain. J’ai rencontré une autrice, Nathalie Saulnier, qui avait fait Twin It. Elle m’a présenté Guillaume, le boss de Cocktail Games, et voilà c’était parti…

C’est étonnant. D’habitude les auteurs de jeux, qui sont très très nombreux, galèrent pendant des années pour faire éditer leurs jeux.

Oui, on m’a dit ça. J’ai presque honte de la facilité avec laquelle ça s’est fait. J’ai eu un énorme coup de chance, tout m’est tombé dessus sans que j’aie besoin de faire beaucoup d’effort.

Votre jeu a-t-il beaucoup évolué depuis sa version prototype ?

Oh oui, énormément ! Les équipes de Cocktail Games ont fait un travail de dingue, sur les illustrations mais aussi sur la formulation des listes. Au départ, il y avait juste des mots, c’était très allusif. J’avais la mécanique générale mais tout le fun est venu des thèmes trouvés par Cocktail Games.

Vous dites que vous ne saviez pas comment vous est venue l’idée, mais il y avait bien une intention au départ ?

Je travaille dans le jeu quand même, mais plus dans le jeu narratif sur mobile. J’ai co-créé Nut Nut, une entreprise de jeux pour mobiles. Mais ça n’a rien à voir avec Top Ten qui est un jeu d’ambiance, de soirée. J’aime bien jouer en soirée à des jeux courts et coopératifs comme Code Names ou The Game. Lors d’une partie avec des amis j’ai remarqué qu’on trichait un peu pour y arriver, et qu’on s’amusait quand même, qu’avec un niveau de triche bien adapté, le jeu marche quand même. La coopération entre joueurs, c’est ça que j’aime.

Vous avez testé votre jeu en soirées avant de le présenter ?

Pas trop, parce que j’avais toujours peur de le sortir. J’ai toujours peur d’embêter les gens, je ne suis pas très extraverti ou du genre à mettre l’ambiance en soirée. J’ai testé mon jeu avec des cercles d’amis très proches, mais j’avais toujours peur de les ennuyer avec ça.

Les vrais fans de jeux n’hésitent jamais à proposer une partie…

Je sais… Moi j’aime jouer mais je suis plutôt suiveur. Même pour un gros jeu de stratégie qui dure des heures, ce n’est pas mon truc mais je vais me laisser entraîner et m’investir. Je préfère quand même vraiment les jeux d’ambiance. Tant que ce n’est pas moi qui propose, tout me va.

Aujourd’hui, comment vivez-vous le succès de votre jeu ?

C’est incroyable ! Mon métier, c’est de faire des jeux narratifs sur téléphone. J’ai monté une société qui fait ça, on a plusieurs jeux à notre actif déjà. Mais ils ressemblent plus à des livres interactifs. Et surtout, le succès est moins palpable, c’est sur Internet, gratuitement sur l’AppStore… Là, le jeu est disponible, physiquement, dans les boutiques, les grandes surfaces. Il y a eu des pubs pour le jeu dans le métro et sur les bus. La reconnaissance est plus forte. Je reçois des photos de gens que je connais qui voient mon jeu partout : dans un bar à jeux en Italie, en Polynésie française, où vit ma sœur… Il arrive même que je sois dans une soirée où quelqu’un sort le jeu sans savoir que c’est le mien… Bon, on ne m’arrête pas dans la rue, non plus hein. (rires)

Top Ten est sorti du cercle des seuls joueurs. En tant qu’auteur un peu extérieur au milieu, ça vous plaît ?

Je trouve super que le jeu ait été adopté par des entreprises, des troupes de théâtre ou par des gens qui travaillent dans le social. Ils utilisent Top Ten pour faire parler les gens, pour leur faire exprimer de la nuance. C’est vraiment vers ça que je veux aller. La plupart des prototypes de jeu que je développe aujourd’hui, ils parlent de ça, de la communication entre joueurs. Je veux créer de la conversation, de la convivialité.

Vous avez déjà de nouveaux jeux en tête ?

Oui mais pour l’instant, je n’ai pas trouvé d’éditeur. L’étiquette « créateur de Top Ten » m’aide à avoir des rendez-vous mais ça prend du temps. J’ai un jeu de dessin en tête mais ce n’est pas très à la mode apparemment. Et c’est plus difficile pour moi maintenant que je connais mieux le milieu.

Pourquoi ?

Je veux absolument faire quelque chose d’original, de jamais vu, et ça, c’est plus facile si on ne connaît pas tous les jeux qui existent déjà… Pour Top Ten, j’ai eu un énorme coup de chance de tomber sur une idée de jeu qui n’avait pas encore été fait.

source site