Entre sanctions et accusations, où en est le putsch ?

Le Niger entame une semaine décisive pour son avenir, quelques jours après le putsch qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum. Dans les rues, la population soutient les militaires, mais les pressions internationales se font très fortes, alors que le pays pourrait tomber dans la sphère d’influence russe. Le coup d’Etat est-il terminé à Niamey ? Quelles sont les sanctions qui visent le nouveau régime nigérien ? Où en sont les relations avec la France ? 20 Minutes fait le point.

La junte militaire est-elle solidement établie ?

Après un flou dans les premières heures, quand l’armée menaçait la garde présidentielle d’intervenir par la force pour libérer Mohamed Bazoum, le putsch a finalement accouché d’un Conseil national pour la sauvegarde de la patrie. Le général Abdourahamane Tiani, chef de la garde rapprochée du président élu, en a pris la tête. L’ensemble des forces armées du pays semble soutenir les putschistes.

Dans la rue, de larges manifestations de soutien ont toutefois débordé. Des voitures ont été incendiées jeudi et l’ambassade de France a été plusieurs fois prise pour cible par des jets de projectile. Une autre manifestation de soutien à la junte a eu lieu ce lundi à Zinder, à 850 km à l’est de Niamey. Côté politique, quatre ministres, un ancien ministre et le chef du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) ont été arrêtés. Ces interpellations interviennent au moment où la junte a appelé dans un communiqué « tous les ex-ministres et directeurs des institutions à restituer aux différents départements ministériels et directions tous les véhicules de fonction mis à leur disposition », au plus tard lundi à 12 heures. Un signe que la nomination d’un gouvernement de transition approche ?

Quelles sont les sanctions qui pèsent sur le Niger ?

La communauté internationale, en particulier l’Europe et certains pays d’Afrique, a largement condamné le coup d’Etat. Comme la France avant elle, l’Allemagne a annoncé ce lundi suspendre son aide au développement et son appui budgétaire à ce pays très pauvre. L’Espagne aussi a suspendu ses aides. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont le Niger est membre, a annoncé un blocus économique et exigé le « retour complet à l’ordre constitutionnel » dans un délai d’une semaine. La Cédéao se dit prête à recourir à « l’usage de la force » pour intervenir.

« Les sanctions feront très mal à notre pays », a répété le Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou, dans un entretien accordé à la chaîne France 24 dimanche. l’Union africaine a également fixé un délai de quinze jours pour « rétablir l’autorité constitutionnelle », et Washington assure que le coup d’Etat met en péril le « partenariat » entre les Etats-Unis et le Niger. De son côté, le Kremlin appelle à « la retenue » et au retour à « la légalité », sans dire clairement s’il soutient le président Mohamed Bazoum ou les militaires désormais au pouvoir.

Où en sont les relations entre la France et le Niger ?

Outre le soutien aux putschistes, un slogan revient avec insistance dans les manifestations à Niamey. « A bas la France, vive la Russie ! » Des milliers de manifestants pro-putschistes se sont réunis ce dimanche devant l’ambassade de France à Niamey, avant d’être dispersés par des grenades lacrymogènes. Certains ont voulu entrer dans le bâtiment, d’autres ont arraché la plaque affichant « Ambassade de France au Niger », avant de la piétiner sur le goudron et de la remplacer par des drapeaux russe et nigérien.

« Quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable », a averti l’Elysée, alors que plus de 500 Français se trouvent au Niger, en plus des militaires et du personnel de l’ambassade. En retour, la junte a rapidement adopté une rhétorique hostile à la France pour mobiliser des soutiens. « Dans sa ligne de conduite, allant dans le sens de la recherche des voies et moyens pour intervenir militairement au Niger, la France, avec la complicité de certains Nigériens, a tenu une réunion à l’état-major de la Garde nationale du Niger, pour obtenir des autorisations politiques et militaires nécessaires » afin de rétablir Mohamed Bazoum, indique un communiqué de la junte.

« Ces discours anti-français, ou anti-politique française, existent depuis longtemps, cependant, ils ne sont plus restreints comme par le passé aux élites intellectuelles, mais ont pénétré très fortement les couches populaires, notamment urbaines », selon une étude de l’Institut français des relations internationales (IFRI) publiée en juin. Des théories complotistes, comme l’opinion selon laquelle les militaires français viendraient armer les djihadistes, trouvent également un large écho dans un pays où le taux d’alphabétisation dépasse à peine les 30 %.

source site