Emmanuel Macron promet une « initiative politique d’ampleur », volonté d’alliance ou coup de com ?

Il a surpris son monde. En marge de son voyage officiel dans le Pacifique la semaine passée, Emmanuel Macron s’est confié au Figaro Magazine. Dans cet entretien, publié mercredi soir, le chef de l’Etat revient sur les émeutes ayant secoué le pays pendant plusieurs jours à la fin du mois de juin. Mais le président de la République a également eu cette petite phrase très commentée dans la classe politique : « Je vais ­prendre à la fin du mois d’août une initiative politique d’ampleur », dit-il, prévoyant de rencontrer les responsables de l’opposition. Réelle volonté d’alliance ou coup de com politicien ? Que se cache-t-il derrière cette annonce du chef de l’Etat ?

Trouver des alliés

Emmanuel Macron a indiqué au Figaro Magazine vouloir « essayer de réunir autour d’un projet clair et simple tous ceux qui veulent s’y retrouver, sans leur demander d’adhérer à tout ». Après une année mouvementée à l’Assemblée nationale, faute de majorité absolue, le président de la République espère bien trouver des alliés pour la suite de son quinquennat. L’Elysée souligne d’ailleurs que l’initiative présidentielle porterait sur des thèmes tels que l’écologie, les services publics, le travail, l’ordre, le progrès, et l’immigration. Sur ce dernier sujet, le projet de loi du gouvernement a finalement été reporté à l’automne, faute de consensus trouvé avec Les Républicains.

« La majorité présidentielle est trop fragile pour des textes importants, on l’a vu sur la réforme des retraites. Le président espère obtenir une majorité plus stable, notamment du côté de la droite », assure Alexandre Eyriès, enseignant-chercheur en communication politique à l’université de Lorraine. Reste que les dernières déclarations du président en matière migratoire n’ont pas vraiment plu aux responsables Les Républicains. Eric Ciotti a ainsi déploré ce jeudi la « naïveté » d’Emmanuel Macron qui, selon lui, « enterre toute volonté de mettre un terme à l’immigration de masse ». Pas la meilleure manière de préparer leur future rencontre à l’Elysée.

Mettre au ban ses adversaires

Emmanuel Macron semble d’ailleurs déjà envisager l’utilisation de l’article 49.3 sur la loi immigration, disant ne pas vouloir « être bousculé » par la droite. Son désir de rencontrer les ténors de l’opposition pourrait donc bien révéler une tactique plus politicienne. Car l’Elysée, ce jeudi, a précisé que « cette série de rencontres » sera proposée « aux forces politiques de l’arc républicain ». Cette expression, utilisée par Elisabeth Borne et ses ministres depuis plusieurs mois, laisse entendre qu’il exclura de cette démarche le Rassemblement national de Marine Le Pen et la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

Une attaque pas anodine à quelques mois de la campagne des élections européennes 2024. « L’expression vise à diaboliser le RN et LFI, montrer que ces deux partis ne sont pas dans le front républicain comme le disent plusieurs ministres depuis des mois », rappelle Alexandre Eyriès. « C’est une stratégie piégeuse en matière de communication, car cela peut leur offrir un statut de victime qui pourrait s’avérer contre-productif », ajoute le spécialiste.

Mettre sous pression Elisabeth Borne

L’annonce du chef de l’Etat est d’autant plus surprenante qu’il avait confié cette même mission à Elisabeth Borne… au mois d’avril dernier, au moment de fixer le cap des « cent jours ». « C’est une manière de remettre Jupiter sur le mont Olympe, une tentative de reprendre la main. Mais en reprenant ce processus de recherche de majorité, il enlève à sa Première ministre une partie symbolique de sa fonction.

Un signe de défiance étonnant car il avait la possibilité de s’en séparer lors du dernier remaniement », rappelle Alexandre Eyriès, qui ajoute : « Emmanuel Macron est coutumier de ces effets d’annonce, comme pour le Conseil national de la refondation ou le grand débat national post-gilets jaunes. Cela lui permet de maîtriser la temporalité, de gagner un peu de temps jusqu’à la fin du mois d’août ». Suffisant pour trouver, d’ici-là, une nouvelle proposition à sortir du chapeau ?

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