elles s’appelaient Hélène, Sylvie ou Dana… Qui sont ces femmes tuées en août ?

Depuis le début de l’année, au moins 90 féminicides ont eu lieu en France, selon le décompte de l’association Féminicides. Le mois d’août a été particulièrement meurtrier avec au moins 11 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.

Derrière ces féminicides, des femmes qui ont un prénom, une histoire. Dans la continuité du travail d’Ouest-France réalisé en 2022 sur les féminicides, nous avons retracé les parcours de onze d’entre elles*, décédées au mois d’août.

Sylvie, 58 ans

Vendredi 3 août, Sylvie, âgée de 58 ans, a été tuée par son ex-conjoint à Préchac-sur-Adour, dans le Gers. L’homme a percuté à deux reprises avec sa voiture son ex-femme, qui tentait de fuir, selon le parquet d’Auch. Vers 21 h 30, des voisins disaient avoir entendu des cris de la femme, et l’avoir vu prendre la fuite avant d’être poursuivie par une voiture. Son ex-conjoint, âgé de 73 ans, s’était enfui chez lui avant de se donner un tir de carabine dans la tête, sans parvenir à se suicider. Il a depuis été mis en examen et a avoué les faits.

Comme c’est souvent le cas dans des affaires de féminicide, Sylvie avait déjà alerté les forces de l’ordre. Le 18 juin, elle avait déposé une main courante à la gendarmerie de Marciac pour de multiples menaces de mort. « Elle était en pleurs, elle me répétait : Il veut me tuer », a raconté au Parisien une amie chez qui Sylvie s’était alors réfugiée. Des armes avaient été saisies chez l’ex-conjoint, et l’homme avait été interné avant de ressortir de l’hôpital psychiatrique cinq jours avant le 3 août. Il devait être convoqué par la justice en novembre.

Sylvie était conseillère municipale dans la commune voisine de Galiax et était très impliquée auprès du comité des fêtes. « C’était un couple qui était arrivé sur la commune il y a cinq ans. Elle était entrée au conseil municipal l’année d’après et était très impliquée », a expliqué le maire de la commune à RTL . « C’était une femme dynamique, souriante et joviale. Nous étions allés la chercher pour qu’elle intègre le conseil municipal et elle a accepté. Elle s’est beaucoup investie pour la commune, elle avait envie d’œuvrer pour le bien de tous », a-t-il ajouté à La dépêche du midi . Selon le journal local, le couple venait de se séparer.

Hélène, 57 ans

Le corps d’Hélène, 57 ans, a été retrouvé sur le parking d’un supermarché Leclerc à Foix, dans l’Ariège samedi 5 août. Deux autres corps sans vie ont été retrouvés au même endroit. Il s’agissait d’un collègue d’Hélène et de son mari, un homme de 72 ans qui s’est suicidé, après avoir tué les deux victimes.

Selon le parquet, cité par l’AFP, le tireur et sa femme « étaient en cours de séparation depuis plusieurs mois, et la victime avait quitté le domicile conjugal depuis quelques jours ». Un moment souvent clé dans le passage à l’acte comme le montrent de nombreux féminicides. Toujours selon le parquet, le mari, qui n’avait aucun casier judiciaire, attendait sa femme avant de lui tirer dessus.

Tout comme son mari, Hélène faisait partie du comité des fêtes de son village de Montgaillard, où elle habitait depuis trente ans. « Ils étaient très dynamiques, très impliqués dans l’association », a indiqué à La dépêche du midi , un membre de l’association. Le couple avait eu deux enfants. Hélène était responsable du rayon boulangerie du supermarché, selon le média local. 

Jacqueline, 27 ans

Lundi 7 août dans l’après-midi, une femme de 27 ans a été retrouvée morte par les pompiers dans un appartement à Toulouse, près du canal du Midi. Selon actu Toulouse , une violente dispute avait eu lieu au sein de son couple, avec des échanges de coups de couteau. Une quinzaine de plaies ont été constatées sur le corps de Jacqueline, 27 ans, selon le parquet de Toulouse à La dépêche du midi . L’homme, blessé de coups de couteau, a été pris en charge par les urgences puis mis en examen quelques jours plus tard.

Selon La dépêche du midi, le couple avait emménagé ensemble après s’être fréquenté pendant plusieurs mois. Jacqueline, professeure de piano, était décrite par des proches comme une femme « pétillante », « solaire, rayonnante et joviale ». Alors qu’une cagnotte a été ouverte pour soutenir sa famille, sa tante est revenue sur son amour pour la musique. « Elle rêvait de composer des musiques de films, elle qui jouait si bien d’oreille, sans partitions, étant adolescente », a-t-elle écrit pour rendre hommage à sa nièce.

Une femme de 34 ans

Dimanche 13 août, une femme de 34 ans a été retrouvée morte chez elle à Dijon, dans en Côte-d’Or. La jeune femme a été retrouvée en arrêt cardiaque aux côtés de son fils de six ans, selon Le Figaro et France bleu. C’est ce dernier qui a alerté les voisins. Son conjoint était présent sur place malgré une interdiction de rentrer en contact avec elle. Il a été placé en détention provisoire.

Selon le parquet de Dijon à France bleu , le couple a consommé de la cocaïne pendant la nuit. Puis, une dispute a éclaté entre les deux. Selon l’homme, la compagne l’a attaqué avec un couteau. Il affirme ensuite l’avoir maîtrisé, sans violence. Selon les premiers éléments, plusieurs coups, non mortels, ont pourtant été relevés sur le corps de la femme. Le couple était connu de la police et la justice pour des faits de violences conjugales survenus entre 2016 et 2021 et l’homme n’avait pas le droit d’entrer en contact avec la victime. 

On ignore le nom de cette victime, tout comme ce qu’elle faisait dans la vie.

Samar, 63 ans

Samar, âgée de 63 ans, a été tuée par arme à feu lundi 21 août à Saint-Etienne, dans le Rhône. Son compagnon, un homme âgé de 71 ans, a été mis en examen jeudi 24 août 2023 pour « assassinat sur conjoint ». Le couple s’était donné rendez-vous dans le bar d’un hôtel de la ville alors que la femme voulait rendre les clés de l’appartement à celui qui allait devenir son ex-conjoint. Au bout de vingt minutes de discussion, l’homme a sorti une arme et a tiré deux fois, tuant la femme sur le coup, selon Le Progrès.

Selon le parquet, le couple allait en effet se séparer après huit mois de vie commune. D’importantes tensions avaient eu lieu ces dernières semaines au sein du couple relate Le Progrès . La femme était même partie cet été se réfugier dans sa famille en Roumanie, son pays d’origine, pour ne plus être en contact avec son compagnon. Elle avait finalement accepté de le revoir une dernière fois, dans un lieu public.

Samar était pharmacienne-biologiste au Centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, toujours selon le média local Le Progrès . Ses collègues évoquent « une femme brillante ». Samar était installée en France depuis les années 1980. En 2016, elle était parvenue à faire venir en France ses parents, des commerçants syriens. « Elle s’était battue avec acharnement pour ses parents, c’était une femme pleine d’énergie, battante », s’est souvenu Jean-Michel Pauze, qui était alors maire de Saint-Priest-en-Jarez où elle résidait.

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Dana, 26 ans

Dana, 26 ans, est morte dans la soirée du mercredi 23 août. Ce soir-là, un incendie d’une maison tue deux personnes, elle et son compagnon, à Vaux-lès-Saint-Claude, un village de 700 habitants, dans le Jura. Alors que les premiers éléments de l’enquête évoquaient un feu déclaré pour une raison indéterminée, l’homme a très vite été soupçonné d’avoir tué sa femme puis d’avoir incendié la maison. D’après Le Bien public, Dana a été victime de plusieurs coups de couteau. Très vite, les enquêteurs ont compris que l’homme a mis le feu à la maison, puis s’est suicidé en retournant une arme à feu contre lui.

L’homme de 57 ans avait déjà été condamné en 1996 pour le meurtre de sa première épouse, selon La voix du Jura . Il avait passé sept ans en prison, puis avait été remis en liberté en 2003. « J’ai échangé par message avec lui mardi encore. Il m’a dit qu’il allait rentrer en Algérie définitivement avec sa femme. Il voulait s’y installer avec sa femme et ses enfants », a évoqué son frère au média local.

Dana, âgée de 26 ans, était de nationalité russe. Le couple, qui vivait avec deux enfants, prévoyait de se séparer. « Ils étaient vraiment gentils tous les deux, mais je sais qu’elle avait déjà quitté le domicile durant quelques jours. J’allais garder les enfants pour que lui, il puisse faire les courses. […] Elle m’avait invitée à un barbecue chez eux. Une femme très simple, qui ne crée pas d’histoires », s’est souvenue une voisine, interrogée par Le bien public .

Une femme de 52 ans

Une femme âgée de 52 ans est morte samedi 26 août, à Sucy-en-Brie, dans le Val-de-Marne. Alors que l’homme avec qui elle avait une relation, qui a contacté les secours, évoquait « une chute dans les escaliers », les enquêteurs ont très vite douté de cette version, comme le raconte le Parisien . Face à un rapport d’autopsie qualifié d’accablant, avec des traces de violences, l’homme a été placé en garde à vue dans l’après-midi, dans le cadre d’une enquête du parquet de Créteil finalement requalifiée en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », selon le journal francilien.

L’homme était déjà connu pour des faits de violences conjugales, selon le parquet, cité par l’AFP. Il avait été condamné à six mois de prison avec sursis en octobre 2020 à Paris pour « des faits de violence par conjoint » ayant entraîné une incapacité de 15 jours sur son ex-épouse, en 2017. Sa deuxième épouse avait déposé plainte en janvier, évoquant un viol et des violences psychologiques, toujours selon l’AFP.

On ignore le nom de la femme qui a été tuée le 26 août (le Parisien évoque son identité par la mention : « N. »). Selon « une source proche du dossier », citée par le journal francilien, cette femme aurait évoqué auprès de proches sa volonté de quitter son compagnon.

Une femme d’une trentaine d’années

Une jeune femme a été tuée dimanche 27 août, à Thio, une commune rurale de l’est de la Nouvelle-Calédonie. Le corps de cette femme âgée d’une trentaine d’années a été retrouvé dans un champ par un habitant de la tribu d’Ouroué. La femme présentait plusieurs blessures graves à la tête, selon le parquet.

Le concubin de la victime, qui s’est présenté de lui-même à la gendarmerie, a été placé en garde à vue, selon le procureur de la République de Nouméa à l’AFP. Lors des auditions, l’homme a déclaré s’être disputé avec sa compagne lors d’une soirée d’anniversaire, avant de la frapper à la tête avec une pierre, selon un communiqué du procureur relayé par La première . Une enquête pour homicide volontaire par conjoint ou concubin a été ouverte.

On ignore l’identité de la jeune femme. Tout juste sait-on, selon le communiqué du procureur, que des témoins ont confirmé que le couple évoluait « dans une relation toxique », avec de nombreux conflits.

Marie-Christine, 39 ans

Un mois après avoir eu un bébé, Marie-Christine, 39 ans, a été tuée par son compagnon à coups de bouteille de verre, sur l’île de Tahiti dans la nuit de samedi à dimanche 27 août, selon Tahiti-Infos . Les faits ont eu lieu à Toahotu, une commune rurale de Tahiti. L’homme, âgé de 79 ans, a avoué aux enquêteurs avoir tué sa compagne. Mis en examen, il a reconnu lui avoir infligé plusieurs coups sur la tête à l’aide d’une bouteille en verre. Il était déjà connu de la justice pour des faits de violences et blessures involontaires selon La dépêche de Tahiti.

Selon le média local, le voisinage du couple a témoigné de fréquentes disputes avec l’homme. La femme, dont on ne connaît pas le prénom, était allée se réfugier plusieurs fois chez Marie-Noëlle Epetahui, ancienne présidente de l’association Vahine Orama qui lutte contre les violences conjugales, comme l’a raconté cette dernière à La première : « elle venait souvent pour avoir du soutien. Parfois, elle venait après avoir reçu des coups. Son histoire est très très dure, elle avait besoin de soutien ».

Marie Christine avait eu cinq enfants. « Jusqu’au dernier moment de sa vie, elle a voulu avoir de l’amour avec un homme. Elle avait besoin qu’un homme l’aime et prenne soin d’elle », a témoigné, bouleversée, sa fille aînée auprès de La Première .

Une femme de 57 ans

Mardi 29 août, le corps sans vie d’une femme a été découvert par un passant à Chambray-lès-Tours, en Indre-et-Loire. Son conjoint, qui avait disparu depuis deux jours, a été interpellé et placé en garde à vue jeudi 31 août, lors de sa descente du train en gare de Tours, comme l’a expliqué La Nouvelle République .

L’autopsie a révélé qu’une asphyxie, « dans un contexte de violences », a été la cause de la mort, selon la procureure de la République Catherine Sorita-Minard dans un communiqué cité par l’AFP.

La femme, dont on ne connaît pas le prénom, était originaire d’Irak et était âgée de 57 ans. Elle habitait à Chambray-lès-Tours. Elle avait eu quatre enfants avec cet homme, dont un mineur. Ce dernier a été pris en charge par les services sociaux, comme l’a indiqué le parquet.

Une femme de 42 ans

Une femme a été tuée en pleine rue jeudi 30 août avec une arme pouvant être une machette à La Croix-de-la-Rochette, un village de Savoie. La femme, âgée de 42 ans, venait de déposer l’un de ses enfants à la crèche lorsqu’elle marchait pour rentrer chez elle, aux côtés de son fils de 3 ans. C’est alors que son ancien compagnon « lui a porté plus d’une dizaine de violents coups au moyen d’une arme qui, d’après les constatations opérées sur place ultérieurement par le médecin légiste, pourrait être une arme de type machette », a indiqué le procureur, cité par l’AFP. Malgré l’intervention des secours, la femme est morte.

Son ex-mari, déjà condamné pour non-respect d’une ordonnance de protection, est resté introuvable toute la journée de jeudi malgré d’importantes recherches. Il a finalement été interpellé vendredi matin et placé en garde à vue. La victime avait déjà porté plainte contre lui pour non-paiement de pension alimentaire.

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Cette femme avait eu deux enfants avec cet homme dont elle avait divorcé en 2021. Selon France Bleu Pays de Savoie , les relations de cette femme dont le nom n’a pas été rendu public, avec son ex-compagnon étaient « tumultueuses ». Cette femme était policière au commissariat de Chambéry et était installée dans la région depuis un an, selon la radio publique.

« Elle respirait la gentillesse. Elle était contente d’avoir refait sa vie. La dernière fois que je l’ai vue, avant qu’elle parte, j’ai vu une femme heureuse. Elle semblait comblée », s’est rappelée une ancienne collègue, lorsque la policière travaillait à Nice, interrogée par Nice matin . Cette ex-collègue la décrit comme « très discrète et très professionnelle ».

« Elle-même dans son affectation traitait des plaintes et des dossiers entre autres de violences intrafamiliales. Elle a aidé à défendre la société et au final elle en devient victime », a déploré auprès de l’AFP Fabrice Galatioto, secrétaire national de la zone sud-est du syndicat Unité SGP-Police.

Si vous êtes victime de violences conjugales, vous pouvez joindre le 3919 ou le 114 par SMS.

(*) Pour réaliser ce recensement, nous nous sommes appuyés sur les informations relayées par la presse locale, l’AFP, les associations (#NousToutes, Féminicides par compagnons ou ex), les réseaux sociaux et les sources officielles (parquet, avocats), mais aussi sur les articles de nos rédactions locales lorsqu’un féminicide est commis dans la zone Ouest-France. Il s’agit d’un recensement à date qui peut donc évoluer dans les semaines après publication si des cas de féminicides sont mis au jour.

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