Controverse autour du « déficit caché » du système des retraites

Les pouvoirs publics n’ont pas dit la vérité sur la situation financière du système de retraites. Depuis des mois, cette affirmation aussi intrigante que contestée est portée par un homme : Jean-Pascal Beaufret. Pour le plus grand nombre, il s’agit d’un parfait inconnu. Mais tous ceux qui s’intéressent de près à la matière savent qui il est et ont pu observer que ses arguments avaient fait mouche chez des personnalités éminentes, parmi lesquelles François Bayrou, le président du MoDem les ayant repris dans un rapport publié fin 2022, en sa qualité de haut-commissaire au plan. Les positions de MM. Beaufret et Bayrou ont eu un retentissement si fort qu’elles donneront lieu à un débat, le 21 septembre, en présence des intéressés, lors d’une réunion du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Avant de croiser le fer sur les régimes de pension, M. Beaufret a occupé des responsabilités haut placées, au sein de l’appareil d’Etat et dans le privé. Diplômé de l’ENA et de HEC, cet ancien inspecteur des finances a été propulsé à la tête de la direction générale des impôts, de 1997 à 1999, puis embauché dans des groupes industriels et bancaires (Alcatel, Natixis…).

Tout au long de sa carrière, il a jonglé avec les chiffres. Et il continue, aujourd’hui, à 72 ans, de s’adonner à cet exercice, en malaxant les mille et une statistiques relatives à notre système par répartition. C’est devenu une sorte de passion ou de mission – une obsession, ironisent ses détracteurs –, qui l’amène à échanger, depuis quelques années, avec des interlocuteurs d’horizons variés : M. Bayrou, donc, mais aussi des hauts fonctionnaires, des représentants du COR, des experts, etc.

Récemment, il a exposé le fruit de ses cogitations dans un article publié par la revue Commentaire (édition de l’été 2023). Son propos est abrasif. Pour lui, le gouvernement, le Parlement et la Cour des comptes « ont renoncé à attirer l’attention de l’opinion publique » sur la « réalité financière » de la branche vieillesse. Ces institutions se sont abstenues de livrer un état des lieux sincère « en se protégeant derrière une organisation juridique et comptable » qui s’avère illisible pour le commun des mortels et, surtout, trompeuse, selon lui. « Il est difficile de penser que de tels artifices de présentation (…) aient été maintenus de manière involontaire », glisse-t-il. Un euphémisme poli qui peut laisser penser que les élites ont sciemment berné le peuple.

Un déséquilibre structurel

Ce qui agace M. Beaufret, c’est que le COR puisse indiquer, sur la base de règles retenues par l’exécutif et la représentation nationale, que le système de retraites est, actuellement, « dans le vert », avec un excédent de près de 900 millions d’euros en 2021 et de 4,4 milliards en 2022. Ces montants sont fallacieux, d’après l’ex-patron de la direction générale des impôts, pour au moins trois raisons.

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