Avec « X », Elon Musk renoue avec ses vieux démons

Exit l’oiseau bleu. Depuis lundi, c’est désormais un grand « X » qui apparaît sur le réseau social racheté par Elon Musk il y a un peu plus d’un an. Un nouveau pas de plus dans la tombe du réseau social, sans doute. Une nouvelle folie du milliardaire, certainement. Mais surtout, il semblerait bien qu’Elon Musk souffre d’une certaine nostalgie de ces débuts dans les affaires. Mais le mieux placé pour parler d’Elon Musk dans les années 2000 reste son biographe, Walter Isaacson. En promotion de son prochain livre attendu à la rentrée, Hardcover, l’auteur est revenu en un (très long) tweet sur le parcours du milliardaire. Des propos que l’on retrouve également dans le livre Elon Musk : l’entrepreneur qui va changer le monde d’Ashlee Vance.

Sur le calendrier, nous sommes en mars 1999 et Elon Musk, 28 ans, décide de créer une banque en ligne nommée « X. com » grâce à la vente d’une première entreprise, un annuaire électronique, Zip2. Un concept « grandiose », selon Walter Isaacson. Le jeune homme vient de sortir d’une expérience à la Scotiabank et est convaincu que le système financier ne tourne pas rond. « Il avait le sentiment que les banquiers exerçaient mal leur métier et qu’il parviendrait à faire mieux que quiconque », relate dans son livre le journaliste Ashlee Vance. Alors il ambitionne de créer sa propre banque en ligne. « Ce serait un guichet unique pour tous les besoins financiers : services bancaires, achats numériques, chèques, cartes de crédit, investissements et prêts. Les transactions seraient traitées instantanément, sans attendre », explique le biographe Walter Isaacson.

La difficulté de la concurrence

A la création de X, à l’automne, le délai est serré mais Elon Musk veut coûte que coûte respecter cette date. Il appellerait même cela un « dick move » [« Un coup de bite » en anglais]. Toujours classe, mais surtout toujours révélateur du management de l’homme d’affaires qui en arrivant il y a quelques mois chez Twitter a décidé de virer la moitié des effectifs. Mais à ses débuts, le défi a malgré tout été relevé. Malgré quelques insomnies et « dans une frénésie nerveuse », X voit le jour. « Un tel comportement a produit du drame et des ressentiments, mais aussi du succès », analyse son biographe.

Elon Musk a son royaume, son entreprise triomphante mais son sacre prend vite fin. D’abord car il perd la confiance des autres cofondateurs qui finissent par partir de l’entreprise. Mais surtout car au moment où il crée « X », un autre concurrent sérieux cohabite dans la Silicon Valley. Quelques mètres plus loin, Max Levchin et Peter Thiel concoctaient leur propre système de paiement nommé Confinity et qui sera plus connu dans le futur sous le nom « PayPal ». Après une période de ce que le journaliste Ashlee Vance appelle « une guerre farouche », les deux entreprises fusionnent en mars 2000.

Le putsch pour virer Musk

Mais les deux entités n’arrivent pas à se mettre d’accord. D’abord sur le logiciel à utiliser, mais aussi sur le nom. « Musk a insisté pour que le nom de la société soit “http://X.com”, PayPal n’étant qu’une de ses marques subsidiaires. Il a même essayé de rebaptiser le système de paiement X-PayPal », restitue le biographe. « Musk continuait à brandir la marque X. com quand presque tous préféraient PayPal », corrobore Ashlee Vance. Dans son arrogance qu’on lui connaît encore aujourd’hui, Elon Musk avait même prononcé ces mots : « Si vous voulez juste être un système de paiement de niche, PayPal est mieux. Mais si vous voulez prendre le contrôle du système financier mondial, alors X est le meilleur nom. »

Seulement deux mois après la fusion, Peter Thiel décide donc de démissionner. La raison ? « Un fossé technologique », répondra Ashlee Vance. L’entreprise est désormais fracturée et tous les problèmes s’accumulent. Intervient alors ce que le journaliste appelle « l’un des coups d’Etat les plus vicieux de l’histoire de la Silicon Valley ». Profitant du voyage de noces de Musk, les employés firent revenir Peter Thiel en l’imposant comme nouveau PDG. « En juin 2001, l’influence de Musk sur l’entreprise s’évaporait rapidement. Ce mois-là, Thiel la rebaptisa PayPal. Musk laisse rarement un affront impuni. Mais dans tout ce calvaire, il montra une retenue incroyable ».

« Comme cela aurait dû être fait »

Auprès de son biographe, Elon Musk aurait même avoué que bien avant l’achat officiel de Twitter, il avait déjà prévu de rebaptiser la plateforme « X ». Bien sûr, derrière, on comprend l’espoir de pouvoir retrouver le site de 1999… et peut-être bien une forme de rancune de ne pas avoir pu arriver à ses fins.

« Je suis très heureux d’enfin mettre en œuvre “X. com” comme cela aurait dû être fait, en utilisant Twitter comme accélérateur ! Et, espérons-le, aider la démocratie et le discours civil ce faisant », lui aurait-il envoyé par texte en pleine nuit. Aucun doute désormais sur l’ambition première du milliardaire : combiner Twitter avec la plateforme imaginée vingt-quatre ans plus tôt. Mais le nouveau X restera-t-il réellement un réseau social ?


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