Avec son jeu très offensif, Peter Bosz peut-il connaître à Lyon le même « mariage parfait » qu’avec l’Ajax ?


Les suiveurs de l’académie lyonnaise ont peut-être croisé sans le savoir le nouvel entraîneur de l’OL Peter Bosz au bord d’un des terrains de Tola Vologe au milieu des années 2000. « Pour vous dire à quel point il aime découvrir des talents et dédier sa vie au football, Peter était venu avec moi en voiture en France pour assister, juste comme ça, à des matchs de jeunes, raconte Ted van Leeuwen, ami de longue date du technicien néerlandais et actuel directeur sportif du NEC Nijmegen (D2). On tenait évidemment à aller à
Lyon et on avait alors pu remarquer 
Alexandre Lacazette. Mais ce jour-là, le meilleur joueur de cette génération était selon nous Eric Tié Bi. »

Peter Bosz serait sans doute surpris d’apprendre que le défenseur ivoirien formé à l’OL évolue désormais au FC Guipry-Messac, club de N3 en Ile-et-Vilaine. Ce n’est pas la seule découverte que s’apprête à faire l’ancien coach du Borussia Dortmund et du Bayer Leverkusen, en retrouvant la France, 30 ans après trois saisons passées à Toulon en tant que joueur (de 1988 à 1991). Mais le plus gros choc sera probablement pour les suiveurs lyonnais, si on en croit la philosophie de jeu de l’entraîneur de 57 ans, qui cite volontiers comme modèles Johan Cruyff et Pep Guardiola.

« Autant de critiques que de crédit » après avoir ramassé un 6-0

« Dès ses débuts comme coach au niveau amateur avec AGOVV Apeldoorn, qu’il a fait monter en 2e division en 2002, Peter a cherché à avoir de bons résultats, mais pas à n’importe quel prix, explique Ted van Leeuwen, qui était alors directeur sportif à ses côtés. Il n’hésitait pas à jouer avec beaucoup d’espace dans le dos de ses défenseurs, avec l’envie d’offrir du spectacle au public. Il y a une constante tout au long de sa carrière : ses équipes sont toujours excitantes. » Si son palmarès est encore vierge dans l’élite, ce postulat sur le jeu est partagé avec enthousiasme par tous les amateurs du football néerlandais joints par 20 Minutes.

« Un jour, son équipe d’Heracles Almelo [qu’il a fait remonter en Eredivisie] avait lourdement été battue 6-0 au Feyenoord [en avril 2013], explique Jean-Paul Rison, journaliste freelance aux Pays-Bas. Contrairement à ce que font la plupart des petites équipes quand elles vont chez les gros clubs, Peter Bosz avait maintenu sa philosophie de pressing permanent et il avait été puni. Mais il avait autant reçu de critiques que de crédit ce jour-là pour n’avoir pas dérogé à ses principes. Avec lui, il n’y a pas de plan B. »

Finaliste malheureux de la Ligue Europa en 2017 (0-2 contre Manchester United), Peter Bosz n’a toujours pas remporté le moindre trophée majeur dans sa carrière d’entraîneur. – Martin Meissner/AP/Sipa

Dès les années 80, il va assister aux entraînements de Cruyff à l’Ajax

L’ancien milieu offensif français Mathieu Antolini, qui évoluait en D1 puis en D2 néerlandaise lors des premiers pas de Peter Bosz sur les bancs de touche, au début des années 2000, se souvient de son attrait de toujours pour le style offensif. « Je ne serai pas surpris du tout qu’il parvienne à reproduire son jeu d’attaque à tout va dans un club comme l’OL, se projette-t-il. Ça a toujours été dans son ADN de jouer ainsi, avec comme inspirations l’Ajax et Johan Cruyff. »

Et pour cause, dès sa période de joueur professionnel, en tant que… milieu défensif comptant huit sélections avec les Oranje, Peter Bosz se rendait régulièrement dans les années 80 au centre d’entraînement de l’Ajax, où il n’a jamais joué, afin d’assister aux séances de maître Johan. Ruben Jongkind, qui a co-rédigé un « plan Cruyff » destiné à relancer l’académie de l’Ajax à partir de 2010, est bien placé pour connaître l’influence de l’icône absolue du football néerlandais sur Peter Bosz.

« Il a ramené à l’Ajax son identité »

« Johan Cruyff a clairement beaucoup influencé son travail, confirme-t-il. Ils ont régulièrement pu parler football à Tel Aviv, quand Johan allait voir son fils Jordi, directeur sportif du Maccabi, qui avait choisi Peter Bosz comme entraîneur en 2016. » Dans la foulée de cette expérience israélienne, il hérite de l’opportunité charnière de sa carrière, celle d’entraîner l’Ajax. Ruben Jongkind revient sur son impact dans ce club mythique, malgré l’absence de titre à la fin de la saison. Il lui attribue même « un rôle clé » dans la demi-finale de Ligue des champions atteinte deux ans plus tard par ce jeune groupe quasi identique, désormais entraîné par Erik ten Hag.

Il était le chaînon manquant pour favoriser le développement au niveau professionnel d’une sacrée génération. Il a ramené à l’Ajax son identité car il prônait un jeu plus attractif que son prédécesseur Frank de Boer. Il est tombé dans le bon environnement, avec tous ces jeunes qui partageaient une énorme implication collective. Il a par exemple lancé sa règle des cinq secondes maximum pour que son équipe récupère le ballon. En fait, la plupart de ses joueurs faisaient déjà la même chose dans les catégories jeunes du club, mais en trois secondes max. »

« Peter a même redonné espoir à tout le football néerlandais »

Ce pressing de fous furieux, les supporters de l’OL ne sont pas près de l’oublier, depuis les vagues subies par leur équipe dans l’Amsterdam Arena, un soir de demi-finale aller de Ligue Europa (4-1) en mai 2017. Ils ont désormais hâte de le voir transposé à l’OL à partir de cet été. A la tête à ce moment-là du plus jeune 11 de départ de l’histoire sur une finale de Coupe d’Europe (moins de 23 ans de moyenne), Peter Bosz semble en mesure d’apporter une ligne directrice attrayante à l’OL, qui tranchera avec le style de jeu flou ayant accompagné les deux saisons de Rudi Garcia.

A la tête de l'Ajax Amsterdam, Peter Bosz a pu s'appuyer sur de prometteurs talents offensifs comme Bertrand Traoré (avant son départ à l'OL) et Justin Kluivert.
A la tête de l’Ajax Amsterdam, Peter Bosz a pu s’appuyer sur de prometteurs talents offensifs comme Bertrand Traoré (avant son départ à l’OL) et Justin Kluivert. – Laurent Cipriani/AP/SIPA

« Avec ce parcours en 2016-2017, Peter a même redonné espoir à tout le football néerlandais, estime Ted van Leeuwen. Le message était limpide : 15 ans après Feyenoord-Dortmund (3-2), il était encore possible pour le football néerlandais d’exister en Europe au point de se hisser en finale, même avec un budget très loin de celui des clubs des grands championnats. » Une performance qui a à coup sûr joué dans le choix des dirigeants lyonnais, dans l’incapacité de faire des folies cet été sur le mercato en raison de la crise du
Covid-19 et de la non-qualification en Ligue des champions.

« Développer des jeunes » ou « avoir immédiatement des résultats » ?

La patte offensive prônée par l’entraîneur néerlandais durant cette excitante saison 2016-2017, jusqu’à cette finale européenne perdue contre le cours du jeu face à l’ennuyeux Manchester United de José Mourinho (0-2), est-elle justement Lyon compatible ? Selon Ruben Jongkind, la réponse est surtout détenue par le trio Aulas-Juninho-Ponsot : « La réussite de Peter va dépendre de la mission exacte que lui réclame la direction lyonnaise. La priorité fixée sera-t-elle de développer des jeunes joueurs sur le moyen terme ou d’avoir immédiatement de bons résultats ? Si l’OL lui garantit vraiment la première configuration, ça pourrait être un mariage parfait ».

Au Bayern Leverkusen (de 2018 à mars 2021), Peter Bosz a notamment permis aux jeunes milieux offensifs Florian Wirtz (à gauche) et Kai Havertz (à droite) de se révéler
Au Bayern Leverkusen (de 2018 à mars 2021), Peter Bosz a notamment permis aux jeunes milieux offensifs Florian Wirtz (à gauche) et Kai Havertz (à droite) de se révéler – Hasan Bratic/Sipa

Si on se fie à Pieter Zwart, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Voetbal International, le profil du nouvel entraîneur lyonnais colle parfaitement à l’identité de jeu souhaitée par
Juninho. « Il a besoin de joueurs jeunes et courageux pour coller à son style de jeu énergique, précise le journaliste. Il ne va pas construire son équipe sur un joueur comme Rudi Garcia pouvait le faire avec Memphis Depay. Son truc à lui, c’est de s’appuyer sur des de Ligt, Dolberg, Havertz, Wirtz, autant de jeunes qui n’étaient pas programmés pour jouer si tôt en équipe première. »

« Il faut bien comprendre le football pour jouer avec lui »

Maxence Caqueret, Sinaly Diomande, Rayan Cherki, Melvin Bard, et sans doute d’autres, pourraient donc voir l’arrivée du technicien néerlandais d’un bon œil. « Il est certain que des joueurs comme Caqueret et Aouar pourraient se régaler avec lui, tout comme de Jong, van de Beek et
Zyiech l’ont fait à l’Ajax, indique Jean-Paul Rison. Son football est reconnaissable et je suis sûr qu’il apportera plus de créativité et de fun dans le jeu de Lyon que sous Rudi Garcia. »

Au sortir du règlement de comptes médiatique entre Juninho et Rudi Garcia, la relation entre le directeur sportif lyonnais et Peter Bosz sera à n'en pas douter observée dans les prochains mois à Lyon.
Au sortir du règlement de comptes médiatique entre Juninho et Rudi Garcia, la relation entre le directeur sportif lyonnais et Peter Bosz sera à n’en pas douter observée dans les prochains mois à Lyon. – OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Resté proche de Peter Bosz, Ted van Leeuwen l’assure : « Il faut bien comprendre le football pour jouer avec lui tant il est exigeant. Mais si tu es assez bon à ses yeux, c’est que tu es assez âgé pour jouer. Je peux vous garantir que de nouveaux jeunes joueurs vont intégrer l’équipe la saison prochaine car c’est un bâtisseur. On parle beaucoup du niveau atteint par Frenkie de Jong, Matthijs de Ligt et Donny van de Beek. Mais il faut se souvenir qu’en 2016, ils n’étaient pas prêts pour le haut niveau, c’est Peter qui les a rendus prêts ». Arrivé de D2 à 23 ans dans la peau d’un remplaçant à Heracles Almelo en 2010, Glynor Plet estime d’ailleurs que Peter Bosz a eu « un énorme impact » sur sa carrière.

Les jeunes testés « en dehors de leur zone de confort »

« Il m’a immédiatement annoncé qu’il ne faisait jamais des choix politiques dans ses équipes, confie l’attaquant néerlandais, entraîné par Bosz pendant un an et demi. Si je me montrais assez bon à ses yeux, je jouerai. Il est tellement passionné qu’il a toujours pris beaucoup de temps après les séances pour faire progresser tous ceux qui le souhaitaient avec la même attention. » Bilan : Glynor Plet s’impose et signe dans cette période 17 buts en Eredivise, pour la seule fois de sa carrière

Pour franchir un cap, tous ces jeunes ont d’abord dû passer un étonnant test lors des entraînements de reprise. Pieter Zwart, qui a réalisé plusieurs interviews d’ordre tactique avec Peter Bosz, livre ainsi un petit tuyau aux jeunes pousses de la « formidable académie ».

Peter va vite demander au directeur sportif qui sont les talents les plus prometteurs au centre de formation de l’OL. Il va les prendre dès ses premiers entraînements et les mettre dans un contexte guère favorable sur le terrain, par exemple dans une position qui n’est pas la leur. Le plus important pour Peter est de sentir ce que vaut un jeune en dehors de sa zone de confort. »

Ses exigences dans la vitesse du pressing évoluent selon les clubs

A voir l’espoir que l’arrivée de Peter Bosz suscite, depuis une semaine, auprès des supporters lyonnais, on peut se demander si les cycles de Bruno Genesio et Rudi Garcia ne les avaient pas rendus encore davantage en manque d’émotions dans le jeu que de trophées. « Ni Peter, ni aucun entraîneur, ne peut garantir d’avoir les résultats espérés, surtout si le PSG fait la saison qu’il doit faire, rappelle Ted van Leeuwen. Mais il va chercher à influencer une seule chose, comme il a pu le faire à l’Ajax : que tous ses joueurs jouent au maximum de leurs capacités. » Là aussi, Peter Bosz sait s’adapter à différents contextes, comme le glisse Pieter Zwart : « Même s’il était vraiment extrême à Heracles Almelo avec son jeu offensif à tout va en 3-4-3, il ne parlait pas à ses joueurs de “5 seconds rule” mais de “6 seconds rule” à la récupération du ballon. C’est en découvrant l’effectif de l’Ajax qu’il a senti qu’il pouvait monter son niveau d’exigence ».

« Avec Heracles, j’ai pris l’habitude de presser le gardien et les défenseurs pendant 90 minutes dans le but de récupérer le ballon en six secondes, et ce à chaque match, nous confirme Glynor Plet. Ça peut paraître fou, mais même contre l’Ajax et le PSV, Peter nous interdisait de nous replier derrière et il nous faisait ressentir qu’on pouvait battre n’importe qui. » En fonction du timing de pressing qu’il réclamera bientôt à ses nouveaux joueurs, on pourrait donc être fixés sur le niveau d’ambition qu’il aura, en Ligue 1 et en Ligue Europa, pour cet OL en plein virage inédit.





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