A69, contournements, Lino, GCO… Des projets qui font fausse route ?

« Adorer la bagnole », selon les mots d’Emmanuel Macron, et « adorer le train » ne sont « pas incompatibles », a assuré ce mardi Clément Beaune. Ministre délégué aux Transports qui a également annoncé que le gouvernement prendrait « dans les prochaines semaines » la décision d’arrêter « plusieurs » projets autoroutiers et routiers. Pourquoi ? Parce qu’à « l’heure de la planification écologique, on ne peut pas faire comme avant », a répondu Clément Beaune, promettant alors un verdict « d’ici le début de l’été ». Reste que le verdict est déjà tombé pour l’A69, projet controversé entre Toulouse et Castres. L’autoroute sera bien construite.

Alors qu’Emmanuel Macron a pris la parole lundi sur la planification écologique, plusieurs défenseurs de l’environnement ont tiré la sonnette d’alarme sur « les dizaines de nouveaux projets routiers et autoroutiers » qui contrastent avec l’ambition affichée. Toutes considèrent que « la construction ou non » de ces nouvelles routes constituera « l’un des marqueurs de la crédibilité » de ce nouveau plan. Les journalistes de 20minutes.fr en régions font le point sur les projets en cours. Ceux qui font, selon les défenseurs de l’environnement, les élus ou les habitants fausse route de Toulouse à Strasbourg.

L’A69, au centre d’une guérilla

C’est LE projet routier qui cristallise les critiques des défenseurs de l’environnement : l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse, 53 km de bitume, dont les habitants et la plupart des élus du sud du Tarn rêvent depuis trente ans pour se « désenclaver ». Le chantier de cette infrastructure, longtemps restée un serpent de mer, avance désormais à vitesse grand V, avec l’appui des forces de l’ordre dans les moments critiques.

Le concessionnaire privé Atosca annonce sa mise en service pour fin 2025. Et les opposants, qui dénoncent un projet « anachronique », pensé du temps où l’on ne parlait pas encore de réchauffement climatique, se crispent : les fameux « écureuils » remontent aux platanes pour empêcher leur abattage, Thomas Brail, le médiatique président du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) est en grève de la faim depuis près d’un mois.

L’opposant au projet d’autoroute A69 Thomas Brail était installé dans son arbre depuis le 12 septembre – Ludovic MARIN

Le fameux collectif La voie est libre attaque aussi sur le terrain juridique. Sans succès pour l’instant, mais aucun tribunal ne s’est encore prononcé sur le fond du projet. Clément Beaune, le ministre des Transports, tient bon. Il veut que le chantier se poursuive, tout en diminuant son impact environnemental. Une nouvelle manifestation géante est prévue les 20 et 21 octobre sur le tracé. Les associations promettent un vrai « Ramdam sur le macadam ».

Le contournement Est, la valse autour de Vienne

Après l’abandon du projet d’élargissement de l’A46, rocade proche de Lyon sur laquelle circulent en moyenne 25.000 véhicules chaque jour, plus de 200 élus et associations plaident désormais vigoureusement pour boucler le contournement Est de Lyon dont le tracé est à ce jour inachevé.

Étant donné que l’actuelle A432, située en deuxième couronne, relit uniquement le nord de l’agglomération lyonnaise à l’aéroport Saint-Exupéry, l’idée défendue serait de la prolonger jusqu’au Sud afin de la connecter à l’autoroute A7. Et ainsi la faire traverser les communes de Vienne et Condrieu. Seulement, les élus des territoires concernés sont loin d’approuver ce projet, rappelant que leur secteur ne fait pas partie de la zone de concertation prévue par le ministère des Transports. La balle est désormais dans les mains de Clément Beaune. Le ministre a prévu de venir à Lyon au mois d’octobre afin de recueillir toutes les propositions suggérées.

L’A412 ou la fin d’un serpent de mer

Autre serpent de mer, le projet d’A412 qui date de presque trente ans avait été imaginé pour relier les villes d’Annemasse à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, afin de désenclaver le territoire du Chablais. Soit un tronçon de 35 km. Le dossier a finalement été retoqué par le Conseil d’État à la fin des années 1990 en raison de son coût jugé trop élevé. Depuis, les ambitions ont été revues à la baisse, le second projet consistant à construire l’autoroute à partir de Machilly (16,5 km). Mais là encore, il suscite de vives oppositions. En janvier 2020, plusieurs associations locales et la ville de Genève ont déposé des recours juridiques pour contrer le projet qu’elles estiment inutile à l’heure du réchauffement climatique.

Peine perdue. En juin dernier, le Parlement a donné son feu vert afin d’accélérer la réalisation de cette infrastructure jugée par certains élus locaux comme « indispensable et urgente ». Saisi par les députés écologistes et LFI dénonçant des « ravages » pour les espèces protégées et les zones humides, le Conseil constitutionnel a déclaré en juillet le projet conforme à la constitution.

Le Lien qui divise

Au nord de Montpellier, le Lien (Liaison Inter-cantonale Evitement Nord) avance, lentement. Quarante-trois ans se sont écoulés depuis les premières études, en 1980. Quarante-trois années de combat judiciaire avec des opposants bien décidés à faire capoter le projet de cette voie rapide, dont la vocation est de relier l’A9 (aujourd’hui A709) à l’A750, au nord de la préfecture de l’Hérault. Plusieurs tronçons ont déjà été livrés.

Dans la déclaration d’utilité publique, le département de l’Hérault évoque « un territoire dynamisé », un « arrière-pays montpelliérain mieux desservi », des « traversées de communes apaisées » ou encore « des temps de trajet raccourcis ». De son côté, le collectif SOS Oulala multiplie depuis 2020 les actions pour tenter de mettre fin à ce qu’ils considèrent comme « une aberration écologique ». « Vendu depuis les années 1980 comme une petite route pour relier les villages, le Lien (…) générera une déferlante de camions et de voitures, une constellation de projets écocides à venir (ZAC, entrepôts logistiques, carrière, lotissements), une expansion de la métropole de Montpellier et l’asphyxie des territoires », dénonce le collectif. Malgré une ZAD, démantelée en novembre 2021, cinq mois après sa création, le projet avance aujourd’hui inexorablement.

Un COM ou 6 km de béton

Le contournement ouest de Montpellier (COM) doit relier les deux autoroutes qui entourent Montpellier. L’A750 au nord de la ville, l’A709 (boulevard urbain en doublement de l’A9) au Sud. Les travaux prévus pour la modification de la route actuelle doivent débuter en 2025-2026, pour une livraison en 2029-2030. Son but : mettre fin au trafic de transit et désengorger les quartiers ouest de Montpellier. « Ce projet est nécessaire si l’on veut pouvoir corriger le trafic sur cette avenue de la Liberté qui nuit tellement aux habitants de Figuerolles, La Martelle et Celleneuve », estime le maire et président de la métropole, Michaël Delafosse (PS)

Mais ce projet estimé à 230 millions d’euros, dont le financement a été annulé en janvier par le conseil d’Etat, se heurte à plusieurs oppositions. Celles des écologistes, alliés de la majorité socialiste à la tête de la ville, et la métropole qui refusent la bétonisation de ces 6 km. Celles également d’un collectif, baptisé AutreCom, qui dénonce « un gain de temps minime », « un report de trafic de poids lourds et des bouchons sur l’autoroute urbaine A709 » et de nombreuses conséquences écologiques. Telles que la destruction de 24 ha de terres agricoles, la dégradation de la qualité de l’air, d’habitats d’espèces protégés ou encore des risques d’inondations accrues.

Une déviation routière en vert et contre tout

Cela fait près de cinq ans que le Conseil d’Etat, saisi par des associations environnementales, a stoppé le chantier de la déviation routière de Beynac, un village de Dordogne prisé pour son château. Et, le débat entre les habitants devrait reprendre de plus belle puisque ce jeudi, une concertation publique est lancée par la préfecture sur une nouvelle mouture, comprenant un aménagement sur les mobilités douces à l’échelle du triangle d’or de la Vallée de la Dordogne et le réemploi d’éléments déjà construits, dont les piles du pont. Suivra une enquête publique début 2024 et, si le feu vert est donné, il faudra encore dix-huit mois pour boucler le contournement routier.

« J’ai très bon espoir que ce projet aboutisse », assure Germinal Peiro, président du département de la Dordogne, qui a toujours fustigé la mise à l’arrêt d’un chantier dont le coût au total est évalué à 40 millions d’euros et dont la moitié a déjà été déboursée.

Un « Bus » qui secoue Marseille

C’est une route de 8,5 km de long, jusqu’à la mer, mais qui cristallise toutes les tensions à Marseille. Dans la deuxième ville de France, une nouvelle voie devait être construite pour achever l’ensemble du périphérique de contournement de Marseille entre les Arnavaux au nord et la Pointe Rouge au Sud, pour un montant global de 300 millions d’euros. De ce « Bus » (boulevard urbain Sud) pour les intimes n’existe, pour l’heure, qu’un premier tronçon livré en 2020. Le projet, porté par la métropole et sa présidente Martine Vassal (ex-LR), rencontre l’opposition de la mairie de Marseille et son maire, Benoît Payan (ex-PS), ainsi que certains habitants. « On ne peut pas se priver de dix hectares de verdure en plein centre-ville de Marseille », fait valoir Martine Cros du collectif Canbus contre le Boulevard urbain sud.

Strasbourg, Châtenois… de fortes oppositions en Alsace

En Alsace, les projets routiers de la discorde ne manquent pas. Pendant plusieurs années, le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg a opposé collectivités territoriales et associations écologistes. Même après la mise en service du tronçon de 24 km en décembre 2021 ! Depuis mai dernier, le contournement de Châtenois, toujours dans le Bas-Rhin, a pris le relais. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’autorisation environnementale accordée par la préfecture du Bas-Rhin pour la construction de cette route de 5 km. La raison ? « Plusieurs conditions majeures » posées par le Code de l’environnement et pointées par l’association Alsace Nature n’avaient pas été respectées. De nombreux travaux avaient déjà été réalisés et la livraison était espérée à Noël… Mais le chantier est donc stoppé et les tractopelles ont quitté la zone en attente qu’une solution soit trouvée.

Le maire de Châtenois Luc Adoneth.
Le maire de Châtenois Luc Adoneth. – T. Gagnepain / 20 Minutes

La cour administrative d’appel de Nancy a proposé une médiation entre les parties mais elle a été refusée. « On en est déjà à plus de deux millions de pertes, c’est de la gabegie financière », dénonce le maire de la commune Luc Adoneth.  « Le but de notre association n’est pas de faire le “buzz”, mais bien de cranter dans le fonctionnement de notre société des avancées réelles pour la prise en compte, la protection et la reconquête de la nature », rétorque de son côté Alsace Nature.

Ça roule pour le Lino

A Lille, la tension est, aujourd’hui, retombée. Les chantiers ont commencé en 2022 et le contournement Sud (12 km) de Lille doit voir le jour fin 2025. Pourtant, le projet, baptisé Lino, s’est longtemps heurté aux inquiétudes de quatre associations de protection de l’environnement. En jeu, le risque de dégrader les champs captants. La zone, que doit traverser la future voie routière, fournit, en effet, 40 % des besoins en eau potable de la métropole et elle est fragile.

Après de nombreuses mobilisations, ces dernières avaient déposé un recours auprès du tribunal administratif, estimant que le projet sous-évaluait l’incidence sur l’environnement et sur les ressources en eau. Mais la justice, comme la préfecture, a finalement validé la construction de ce contournement chargé de « fluidifier » le trafic routier dans le secteur.


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