Pourquoi la France est-elle pour l’instant relativement épargnée cet été ?

Plus de 35.000 ha de forêts et végétations ont brûlé rien que la semaine dernière en Grèce, selon l’antenne locale du Fonds mondial pour la nature (WWF). Et alors que le mercure grimpe encore ces derniers jours, avec des pointes à 45°C dans le centre du pays, les incendies continuent de faire rage, notamment sur les îles touristiques de Rhodes, Corfo et Eubée. Trois personnes ont péri ce mardi.

Mais il n’y a pas qu’en Grèce que les forêts brûlent sur le pourtour méditerranéen. La situation est dramatique en Algérie, dans le nord-est du pays, avec 34 personnes décédées ces trois derniers jours, alertent les autorités, et 9.000 ha brûlés la semaine passée, selon les données d’Effis, le système européen d’information sur les feux de forêt. Il faudrait rajouter le sud de l’Italie, où là encore des feux d’ampleur se sont déclenchés sur fond de température caniculaire, avec leur lot de décès, de milliers d’hectares brûlés et de vidéos chocs.

« Calme relatif » en juillet ?

A côté, la France paraît relativement épargnée. Enfin, Eric Broccardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, rectifie en parlant d’un « calme relatif ». « Il y a eu 4.000 départs de feux depuis le début de l’année, c’est beaucoup », rappelle-t-il. Mais jusqu’à présent, la stratégie française d’« attaque massive sur feux naissants », « qui vise à intervenir le plus vite possible sur les premiers hectares qui brûlent, pour éviter que l’incendie se propage », a plutôt bien marché. Résultat : « pleins de petits feux, y compris ces derniers jours et pas seulement sur la côte méditerranéenne, mais qui sont restés petits, au point de passer relativement inaperçus », reprend Eric Broccardi.

Mardi, tout de même, le département des Bouches-du-Rhône a été placé en vigilance rouge aux feux de forêts par Météo France. C’est la première fois que ce plus haut niveau d’alerte pour risque d’incendie, tout récemment créé, était déclenché. Mais c’est surtout en Haute-Corse que les pompiers ont dû batailler dans la nuit de mardi à mercredi, avant de parvenir à « fixer » un feu de forêt qui aura eu le temps de ravager 200 ha.

On n’est donc pas sur l’ampleur des incendies qui se déroulent plus à l’Est sur le pourtour méditerranéen. Rien à voir non plus avec les incendies qui ravageaient le Sud-Ouest à la même époque l’an dernier, en pleine vague de chaleur. « 20.000 ha de forêts avaient brûlé rien que sur la première quinzaine de juillet, et on avait fini l’année sur un bilan de 72.000 ha de végétations partis en fumée, rappelle Catherine Robert, coordinatrice feux de forêt à Météo France. A la mi-juillet 2023, nous en étions à 8.300 ha de forêts brûlés depuis le début de l’année, ce qui est un peu en dessous la normale. A cette période de l’année, habituellement, nous sommes autour des 10.000. »

Des sols encore humide et des températures pas si extrêmes

Cette stratégie d’attaque sur feux naissants est couplée à un renforcement, depuis l’été dernier, des moyens alloués à la lutte contre les incendies et à leur prévention. Mais ils n’expliquent pas, à eux seuls, cet été relativement calme jusqu’à présent. Les conditions météorologiques et climatiques jouent aussi. Catherine Robert comme Florent Mouillot, directeur de recherche au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier (CNRS/IRD), spécialiste des feux de forêt, donnent un même premier élément de réponse : les pluies des dernières semaines. « On a beaucoup parlé ces derniers mois de la sécheresse des nappes, avec ce manque d’eau qu’on constate toujours en profondeur, détaille Florent Mouillot. Mais les pluies de juin – qui se sont poursuivies en juillet sur une grande partie du territoire – ont permis de ré-humidifer la couche superficielle du sol, y compris dans le Sud-Est. Elles ont aussi permis un démarrage tardif de la croissance de la végétation. » Résultat : celle-ci reste encore relativement verte. « Ça n’empêche pas le départ d’incendies, mais ça contribue à éviter que ces feux ne se propagent au point d’être incontrôlables », reprend Florent Mouillot.

Mais la sécheresse du sol n’est qu’un des paramètres à prendre en compte dans les feux de forêt. Deux autres, tout aussi cruciaux, sont les vents et les températures de surface. Là encore, du moins côté mercure, les conditions ont été relativement clémentes en France depuis début juillet. « Certes, il fait chaud dans le Sud-Est, mais les températures ne sont pas si exceptionnelles pour la saison. On reste loin de ce qui se passe dans la partie centrale de la Méditerranée, où un anticyclone bloqué provoque ces chaleurs extrêmes du sud de l’Italie à la Grèce et jusqu’à l’Afrique du Nord. » Il avait pourtant plu dans ces pays en juin, précise Florent Mouillot. « Mais avec le niveau de chaleur atteint ces derniers jours – il a fait 50°C en Tunisie lundi –, tout peut brûler très vite », reprend-il.

Tout peut encore changer

C’est d’ailleurs pour cette raison que Catherine Robert se garde bien de tirer un bilan de la saison des feux de forêt en France. « Ce n’est pas parce qu’elle a commencé doucement qu’elle ne peut pas s’intensifier, insiste-t-elle. Il suffit d’un épisode de canicule ou de sécheresse marquée pour que la situation change du tout au tout en quinze jours ou trois semaines. » « On entre maintenant dans la phase où la végétation du sol va commencer à se dessécher, notamment là où il n’a pas plus depuis longtemps, ajoute Florent Mouillot. Dans ce contexte, des températures de 35-36° C, largement possibles en août, pourraient suffire à déclencher des incendies d’ampleur. »

La saison des feux de forêts ne s’achève habituellement qu’en septembre, rappelle Catherine Robert. Eric Broccardi voit plus loin. « Le changement climatique nous expose à des feux de forêts et une série d’autres catastrophes qui nous sollicitent toute l’année dans certains territoires, reprend le porte-parole des Sapeurs Pompiers. Et de citer les Pyrénées-Orientales, qui font face à une sécheresse pluriannuelle. « Dans ce contexte et alors que l’organisation des sapeurs pompiers repose grandement en France sur le socle du volontariat, l’important sera l’endurance, notre capacité à rester sur le qui-vive ».

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