« Le club va mourir »… Comment les Chamois Niortais (et Mickaël Hanouna) sont en train de s’autodétruire

C’est le cœur lourd mais l’esprit résolu qu’Ousmane Bangoura a mis sa menace à exécution. Au Chamois Niortais depuis 1997, cet ancien joueur reconverti éducateur des jeunes de l’école de foot a fini par claquer la porte le 13 mai dernier. « J’ai réuni mes joueurs après le match pour leur annoncer que je partais. Je leur ai expliqué les raisons, ils ont compris mais ils étaient tristes et énervés. Je leur ai dit qu’ils n’y étaient pour rien. Ils savent que je les adore, je les ai pris en U9, ils sont en U13 et il y a mon fils là-dedans. Les parents aussi étaient outrés de voir partir quelqu’un qui a tant donné pour ce club. Mais ma décision est irrévocable, j’ai rendu mes affaires, je ne reviendrai pas », nous dit-il, la voix encore tremblante.

Au centre de sa colère, un homme, Mickaël Hanouna, le directeur général des Chamois Niortais, à qui il reproche notamment de ne plus défrayer les éducateurs de leurs frais kilométriques depuis des mois. Une cagnotte a même été mise en ligne par des suiveurs du club pour leur venir en aide. C’est après une intervention de Mickaël Hanouna chez nos confrères de So Foot, dans lequel il assurait ne pas connaître l’identité de Bangoura et l’invitait alors à « se casser » des Chamois s’il n’était pas content, que l’ancien attaquant a dit ciao.

« Il m’a sali en disant que tout ce que je cherchais c’était à me faire de l’argent, mais je n’ai pas besoin de ça pour vivre, s’insurge Bangoura. Mais je fais entre 700 et 800 km par mois en voiture et je paye tout de ma poche. Je ne suis plus remboursé depuis le mois de janvier et, pour les autres éducateurs, c’est pire, certains n’ont pas touché un euro depuis l’été dernier. C’est un manque de respect, un manque de considération totale pour les bénévoles qui font vivre ce club. Et au lieu d’apaiser les choses, de régler la situation, M. Hanouna préfère jeter de l’huile sur le feu. Je ne peux plus accepter de travailler dans un club dirigé par une telle personne ».

Sysyème D et économies à tous les étages

Ces dernières semaines, le club n’a cessé de faire parler de lui, non pas pour les résultats de l’équipe première, officiellement reléguée en National depuis deux semaines, mais pour tous les à-côtés indignes d’un club de football professionnel. En plus des éducateurs livrés à eux-mêmes, (et obligés de payer de leur poche les frais de déplacements) c’est aussi un centre de formation dans lequel les joueurs ne mangent pas à leur faim et qui sont rendus à commander des repas en livraison pour ne pas avoir le ventre qui gargouille le soir dans leur lit.

Récemment, une photo d’un « repas » au centre a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Selon nos informations, en plus d’un burger bas de gamme et d’un mini croque-monsieur, les jeunes se sont vus proposer de terminer leur repas par des céréales et du lait s’ils avaient encore faim… Les chamois, ce sont aussi des éducateurs obligés de faire des courses sur leurs propres deniers pour pouvoir offrir une collation décente à leurs joueurs lors d’un déplacement ou de tenir une buvette improvisée en plein match pour faire rentrer un peu d’argent dans les caisses.

Comment un club historique de deuxième division, réputé pour sa formation et son côté familial, a-t-il pu se retrouver en quelques années seulement dans une telle situation d’agonie ? Les raisons sont multiples mais, l’intégralité des nombreuses personnes que nous avons interrogées au cours de notre enquête pointe tous du doigt dans la même direction, celle de Mickaël Hanouna. Ou plutôt du duo qu’il forme avec son petit frère, Eytan, devenu actionnaire majoritaire et président à l’été 2020. Un ancien salarié du club nous raconte ce qui, selon lui, serait la genèse de ce naufrage annoncé.

C’est une drôle d’histoire de famille. On a d’un côté Eytan, le petit frère, un businessman parisien qui a réussi dans les affaires et possède une petite fortune, et de l’autre son grand frère, Mickaël, le vilain petit canard de la famille, ancien concessionnaire automobile qui (lui) n’a pas réussi grand-chose. Les deux frères étaient fâchés et ne se parlaient plus depuis dix ans et, pour renouer contact et faire plaisir à sa famille, Eytan a offert le club de Niort à Mickaël. Aujourd’hui, comme Eytan n’aime pas le foot et ne veut rien gérer, c’est Mickaël qui gère ça comme son jouet et il est en train de le casser car il n’a pas les compétences requises pour diriger un club. »

Conscient des limites de son frère, Eytan Hanouna a bien tenté de mettre une tête connue, qualifiée et respectée dans toute la région, Guy Cotret, aux commandes, avant que ce dernier ne se rende compte qu’il n’était qu’un gestionnaire fantoche et ne finisse par claquer la porte. « Voilà comment on s’est retrouvé avec une seule personne à bord, qui n’avait jamais fait ça de sa vie et qui n’a manifestement ni les compétences techniques ni le savoir-être pour bien gérer un club de foot, nous glisse un autre ancien salarié sous couvert d’anonymat. En trois mois, le projet qui pouvait sembler séduisant au départ, s’est transformé en plan foireux. Ça n’a été que maladresses et erreurs préjudiciables, et peu à peu toutes les parties prenantes en lien avec le club ont fini par s’en éloigner. »

Un dirigeant « brutal et omnipotent »

Dès le départ, en effet, l’aventure du duo Hanouna aux Chamois avait très mal commencé puisque, à peine racheté, le club s’est vu sanctionner sportivement (interdiction de participer à la Coupe de France 2021-2022) et financièrement (250.000 euros) par la DNCG pour « non-respect de la procédure de contrôle avant concrétisation du changement d’actionnaire ». En gros, personne, pas même la municipalité, la Ligue où la DNCG, n’était au courant de cette transaction avant que le deal ne soit annoncé en catimini, lors d’une soirée au club, à la stupéfaction générale.

« C’est un bon exemple de la gestion de ce club et de l’incompétence de Mickaël Hanouna. Son credo favori, à chaque problème, c’est ” on s’en bat les couilles ”. Il pense être plus intelligent que tout le monde et il est persuadé que ses faits et gestes et ses magouilles n’auront pas de répercussions, sauf que si », détaille un ancien salarié bien au fait de ce qui se passe au club malgré son départ.

« Il y a énormément d’impayés chez différents prestataires, qui ne veulent plus travailler avec le club. Il y a aussi l’URSSAF qui commence mettre son nez là-dedans, ça sent très, très mauvais », poursuit-il. Contacté par 20 Minutes, un des prestataires historiques du club nous confie devoir parfois « courir derrière le club pour se faire payer ». « Encore, nous on y arrive, ajoute-t-il. Mais des histoires d’impayés, des hôtels qui ne sont pas contents, le supermarché du coin qui ne prend plus que du cash et refuse les factures, oui, ça se sait dans le coin. ».

Décrié par toutes celles et ceux qui l’ont un jour côtoyé à Niort, Mickaël Hanouna a réussi en moins de trois ans à se mettre à peu près tout le monde à dos. Car dans le tranquille paysage niortais, c’est peu de dire que le personnage détonne. « Il est omnipotent, brutal, il veut tout faire lui-même car il pense tout savoir. Surtout, c’est quelqu’un qui était tout le temps en train de dénigrer les autres, ne respectant pas les valeurs de ce club que sont la solidarité, la proximité, le côté familial », se souvient Patice Lair, l’ancien coach des Chamois remercié en 2018, à une période où Mickaël Hanouna ne s’occupait encore du recrutement et de la politique sportive.

La mairie ne veut plus entendre parler des Hanouna

Résultat, des dizaines et des dizaines de partenaires financiers locaux ont été priés de dégager. « Il a la mainmise au club et il fait tout et n’importe quoi, il s’est fâché avec tout le monde. Il a viré les commerciaux, il essaye de tout faire tout seul mais comme il n’a pas les compétences, il se plante (forcément). Il est incontrôlable, complètement irrationnel dans son fonctionnement, il a des façons de faire qui ne sont pas… Disons que les relations humaines, ce n’est pas son truc. Dans une ville comme Niort, ça ne passe pas », détaille un ancien partenaire majeur du club.

En bisbille avec les supporteurs, les partenaires locaux, les éducateurs et les salariés, Mickaël Hanouna l’est aussi avec la municipalité, avec laquelle le courant n’est jamais passé et qui a décidé cette saison de suspendre la subvention de 200.000 euros qu’elle alloue habituellement aux Chamois (seul un acompte de 60.000 euros a été versé).

Mis devant le fait accompli sans même avoir été informé au préalable du changement d’actionnaire, le maire Jérôme Baloge refuse de traiter avec la fratrie Hanouna et espère, comme tant d’autres dans la région, que ceux-ci finiront par lâcher le joujou. « Est-ce que je dois accepter de donner de l’argent public sans savoir à quoi il va servir ? », se justifie chez nos confrères de L’Equipe le maire niortais, qui pointe du doigt un manque de transparence et d’investissement, une ingérence dans la gestion de l’association et un « démantèlement non-dit mais réel du centre de formation ».

Une politique sportive qui interroge

Pour un autre ancien salarié, qui a maintes fois échangé sur le sujet du centre de formation avec Mickaël Hanouna, le projet du loustic est clair : « Qu’il n’y ait plus de centre de formation, que le club ce soit juste l’équipe pro, un staff, un comptable et un responsable administratif, point barre, pour ne plus engendrer la moindre dépense. Pour lui le centre de formation est un boulet, ça représente des problématiques et des dépenses supplémentaires. L’idée c’est de pouvoir tout faire dans le feutré, en petit comité, et faire des coups à la Ibnou Ba (un joueur arrivé libre et revendu un an plus tard plus d’un million d’euros au Havre) : il recrute des mecs en N1, N2, N3, qui sont sous contrat chez l’un de ses copains agents, avec un peu de chance il fait une bonne saison et on fait une plus-value dessus. Et si au passage on peut se glisser des petites commissions dans la poche tout en faisant plaisir aux copains, c’est parfait. » 

Ce fameux « copain », c’est Laurent Djaffo, un agent de joueur qui fait la pluie et le beau temps sur la politique sportive du club et dont la société Soccer Max a placé six de ses dix-huit joueurs dans la Nièvre. « C’est lui qui gère tout au club, il se balade avec la voiture des Chamois, il oblige les jeunes joueurs à signer avec lui sous peine de dégager. Ce n’est absolument pas sain. Leur but (avec Hanouna) c’est de faire du business, des magouilles, pas du football », se désole Ousmane Bangoura.

 Les deux hommes sont par exemple censés avoir mis sur pied une académie de football au Bénin (l’Académie Etalons FC) dont on peine à trouver l’existence. Pas de site internet officiel, tout au plus une pauvre page Facebook alimentée de quelques photos, voilà pour la façade. « Les terrains sont à peine en train de sortir de terre, le truc est hyper flou, on ne sait pas qui paye les travaux, et pourtant ça fait déjà plus de deux ans qu’on recrute des joueurs qui sont censés être formés dans cette académie, se désole un proche du club. On se doute qu’il y a un loup. »

Contacté par 20 Minutes, le club des Chamois n’a pas donné suite à nos demandes d’interviews. Chez nos confrères de France 3, Mickaël Hanouna a assuré que le club n’était « pas à vendre ». « Démissionner pour quoi faire ? Je peux démissionner de mon poste, mais je resterai actionnaire du club, a-t-il soutenu. On va continuer la formation avec peut-être une ‘Chamois académie’, On est en train de travailler là-dessus avec Franck Azzopardi (directeur du centre de formation). On va garder toutes nos équipes, et on va recentrer nos projets sur les joueurs de Niort et des Deux-Sèvres. »

 Dans le même temps, selon nos informations, le même Frank Azzopardi aurait conseillé aux jeunes joueurs du centre de partir loin de Niort et de se trouver un nouveau club plus sain pour lancer leur carrière. (De toute manière,) A Niort, plus personne ne croit aux promesses de l’instable Hanouna. Et Ousmane Bangoura de prévenir, inquiet : « Si on laisse le club entre ses mains, il va mourir. »


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